vineri, 21 mai 2021

Hemingway si cuba

 https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Ernest_Hemingway/123555

Le roman de Ernest Hemingway

Gérard de Cortanze

Rocher ,
collection Le roman des lieux et destins magiques , 
(avril 2011)

Résumé

Après une partie biographique qui traverse toute la vie de l'écrivain, G. de Cortanze revient sur certains événements. Il retourne sur les pas de l'écrivain en Europe, Afrique, Espagne, aux Etats-Unis et à Cuba à travers une promenade nostalgique en compagnie de fantômes, une errance, une descente aux enfers, la mythologie et l'histoire revisitées. ©Electre 2021

Ernest Hemingway à Cuba, en juillet 1940• Crédits : Photo by Lloyd Arnold/Hulton Archive/Getty Images - Getty

Gérard de Cortanze est romancier, essayiste et directeur de collection chez Gallimard. Il a consacré plusieurs ouvrages biographiques à Hemingway, Prix Nobel de littérature en 1954 : Le Roman de Hemingway (Rocher, 2011) et Hemingway à Cuba (Gallimard, 2002). Dans ses travaux, il cherche à montrer que l'immense écrivain ne saurait être réduit à la légende que l'on a créée de son vivant.

 

Pour cette première émission d'une série consacrée à Hemingway, nous essayons ainsi avec notre invité de démêler l'authentique de la légende, en traversant les mille vies du grand écrivain : soldat, chasseur, marcheur, boxeur, amoureux de Cuba, des corridas, époux et séducteur... Les anecdotes connues sur Hemingway, les considérations sur son physique, ont parfois eu tendance à effacer le grand écrivain. Nous croiserons dans cette émission la route de son ami John Dos Passos, et évoquerons ses relations avec les femmes. Si Hemingway s'est marié à quatre reprises, il dresse en effet dans son oeuvre des portraits féminins subtils qui forment comme des doubles oniriques de sa propre vie.

 

Mais c'est surtout le paradoxe d'une vie à la fois solitaire, marquée par une fuite à travers l'alcool et l'évasion dans des voyages rythmés de rencontres et de découvertes, qui nous intéresse pour considérer les dessous de la légende Hemingway. Le jeune garçon, né au tournant du siècle, a connu dans son enfance les beautés d'une Amérique sauvage, au bord du Wallon Lake qui était encore peuplé par les Indiens. Déjà doté d'un goût prononcé pour l'écriture, il souhaite s'engager en Europe au moment de la Première Guerre mondiale. Il découvre ensuite le Paris de la lost generation, que nous évoquons dans la dernière émission de cette série. Paris est, avec Cuba, l'un des grands pôles essentiels de sa vie et de son oeuvre : il fréquente Gertrude Stein, découvre la peinture et comprend que la littérature est un métier.

 

Hemingway partait en voyage pour pouvoir écrire. - Gérard de Cortanze

 

Si l'essentiel de l'oeuvre de Hemingway est conçue en-dehors des Etats-Unis, c'est sans doute parce qu'il cherche à fuir le puritanisme, l'hypocrisie, la prohibition, et un pays qu'il ne reconnaît plus. Il voyage énormément : en Afrique, en Italie - à Venise dans les années 1950, qui lui inspire Au-delà du fleuve et sous les arbres, et en Espagne. Sa passion pour la corrida se retrouve dans son écriture, mélange de "carabine et violon", et fait signe vers une violence, un héroïsme, une arrogance face à la mort, qu'il rencontre pourtant en se suicidant le 2 juillet 1961, après de longs mois de peur et de dépression.

 

AccueilLe Roman de Hemingway

Le Roman de Hemingway

Le Roman de Hemingway

De Gérard de Cortanze

Editions du Rocher, 2011

Description

Présentation éditeur :

 

"J'ai la profonde conviction qu'Ernest Hemingway reste un auteur mal connu. On ne voulut voir en lui qu'un géant chasseur de fauves, un correspondant de guerre rebelle, un dur à cuire pêcheur de monstres marins, un amateur de corridas, un boxeur primitif, un viscéral insatiable, un monument de virilité, violent et alcoolique. Cette panoplie réductrice ne le protégeait guère : sa légende faillit le dévorer. Il s'en plaignait souvent. Mon ambition est de rétablir un morceau de cette vérité derrière laquelle l'auteur du Vieil Homme et la mer courut toute sa vie. Hemingway fut un romancier puissant, un journaliste de tout premier plan, un extraordinaire nouvelliste, hanté par la phrase exacte, le mot juste, l'histoire vraie, la sincérité. Mauriac disait de lui qu'il parlait le langage de la "grande liberté". Oui, mais de la solitude aussi, de celle qui contraint chaque jour l'écrivain "à faire front à l'éternité ou à l'absence d'éternité".

Hemingway et la libertéPar Alain Roumestand le 22 avril 2018

 

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Quand la liberté individuelle rejoint la liberté collective. Quand la liberté de chacun rejoint la liberté de tous.

 

 

Ernest Hemingway a écrit : « Je ne peux pas être communiste parce que je ne crois qu’en une seule chose : la liberté. Je désire en premier lieu m’occuper de moi et faire mon travail. Ensuite, je désire m’occuper de ma famille. Après quoi, je souhaiterais pouvoir aider mon prochain. Mais l’état, je m’en moque. Je suis partisan d’un gouvernement réduit au plus strict minimum. Un écrivain est comme un bohémien, un isolé. Si c’est un bon écrivain, il n’aimera jamais le régime sous lequel il vit. Sa plume sera contre. Il n’a l’esprit de caste que si son talent est limité. » À propos de la révolution cubaine qu’il connut : « La révolution cubaine est une revanche de l’Amérique latine mais elle ne doit pas pour autant instaurer un régime qui nie les libertés. » Tout est dit. L’homme Hemingway épris de toutes les libertés, pour lui-même et pour les autres.

 

Hemingway, l’Indien libre

Hemingway, c’est d’abord vivre, dans son pays ou ailleurs : « Je n’ai qu’une seule vie à vivre et je veux vivre où je veux. Les États-Unis ne m’inspirent pas. J’ai un endroit superbe où je peux travailler : l’île de Cuba. »

Dès l’enfance, il revendique cette liberté qui est dans ses gènes : la famille de sa grand-mère paternelle a du sang indien, insiste-t-il (à tort ou à raison). Ses parents passent, avec leurs enfants, tous les étés dans une maison (un chalet en bois de cèdre) construite sur le territoire des Indiens Ojibwés sur les bords du lac Walloon, dans le Michigan. La maison d’été qu’il fréquentera jusqu’à ses 17 ans est située « entre une scierie bordant un petit bourg et le village des Indiens, forestiers pacifiques, appartenant au peuple algonquin. Il court pieds nus entre les grands arbres, nage, allume des feux, déniche les oiseaux, cueille les fleurs sauvages ». Avec son père, qui a une épouse dominatrice, lui-même inhibé par une culture puritaine qu’Hemingway dénoncera plus tard, ce sont des randonnées, à 5 ans, sur des kilomètres et des kilomètres. Il écrit : « Je pouvais sentir la rosée dans l’herbe et entendre le vent dans les hautes branches des sapins, s’il y avait du vent. Et s’il n’y avait pas de vent, je pouvais sentir le calme de la forêt et du lac. Parfois le premier bruit était celui d’un martin-pêcheur survolant l’eau qui était si calme qu’elle réfléchissait son image et il lançait un cri retentissant en plein vol. »

 

Le jeune Ernest pêche dès l’âge de 3 ans en compagnie de son père, chasse dès l’âge de 11 ans, avec son premier fusil offert par son grand-père. Lorsqu’il lit le récit de l’ex-président Théodore Roosevelt sur un safari africain, il est transporté. D.H. Lawrence, dans sa critique de De nos jours, l’un des premiers textes d’Hemingway, note que « Nick est un personnage qu’on rencontre dans les régions les plus sauvages et rudes des États-Unis, il est le descendant du cow-boy et du trappeur solitaire. Aujourd’hui il a reçu une éducation et il est revenu de tout. C’est un état d’indifférence acceptée, consciente, à l’égard de tout, sauf de la liberté par rapport au travail et de l’intérêt du moment. »

 

Hemingway l’homme libre et la mer

La chasse et la pêche vont permettre toute sa vie à Hemingway « la diversion nécessaire à une angoisse existentielle » qui le taraudera inlassablement. Cette liberté-là lui permet d’être, de vivre pleinement. On comprend mieux ainsi le goût immodéré pour les escapades multiples en Afrique, en chasseur de fauves et la pêche au gros et au long cours, durant toute de sa vie, parenthèses exaltantes qui ponctuent son histoire et son travail d’écriture. C’est sa liberté, c’est la liberté de l’homme face à lui-même et à la nature. Celle que François Mauriac pointe : « Hemingway parlait le langage de la grande liberté. »

 

Son œuvre la plus connue, prix Pulitzer 1953, Le Vieil Homme et la mer, terminée à La Havane en février 1951 et publiée en septembre 1952, met en scène l’histoire d’un vieux pêcheur, Santiago, qui lutte avec un poisson pendant deux jours et deux nuits. Il rentre au port, bredouille, avec le monstre marin, le marlin énorme, pêché mais dévoré sur le chemin du retour par les requins, squelette attaché au navire, après des heures et des heures de combat en vain. « Santiago lutte contre l’ennemi qu’il entend et devine plus qu’il ne voit et qui vient cogner contre le fond de sa barque. »

 

Hemingway, en 1952, avait passé un mois entier en voyage autour de Cuba sur son bateau, Le Pilar, pour la pêche au gros, barracudas, requins, espadons, raies. Il était avec Gregorio Fuentes, matelot à bord du bateau, que l’on voit poser aux côtés d’Hemingway et d’un marlin blanc, et qui l’inspirera pour son personnage de Santiago. Le Pilar, il l’a acheté aux chantiers navals Wheeler Shipyard à Brooklyn, pour 3 000 dollars et il l’ancrera à Cuba, Cojimar, Baracoa et Mariel. « Il a été construit pour être un instrument de pêche et un bon bateau par les temps les plus rudes et avoir une autonomie de croisière minimale de 500 miles », comme il l’écrit dans Le Grand Fleuve bleu.

 

C’EST CELA AUSSI LA LIBERTÉ D’HEMINGWAY, DE FRÉQUENTER EN AMITIÉ VIRILE, LES DÉCLASSÉS, LES SANS-GRADES, L’HUMANITÉ DANS SA DIVERSITÉ

 

Le frère d’Hemingway décrit un « Ernest qui s’était fait des amis parmi tous les pilotes du port de La Havane, mais il ne pouvait tout de même pas gagner la sympathie de tous les trafiquants, videurs de poubelles et bandits qui rôdaient dans le port, sur leurs barques ou leurs petits canots – moteur, à l’affût des bateaux mal gardés par leurs équipages. Ce printemps-là, une consigne circula à La Havane : le premier qui s’emparera du Pilar aura les honneurs de tout le quartier de Regla, le plus pauvre de tout le port. » C’est cela aussi la liberté d’Hemingway, de fréquenter en amitié virile, les déclassés, les sans-grades, l’humanité dans sa diversité. Et Hemingway de comparer la mer à « une prostituée qu’on ne peut aimer d’amour mais pour laquelle on éprouve beaucoup d’affection et qu’on continue à fréquenter bien qu’elle vous ait donné la chtouille et la vérole ».

 

En 1958, Le Vieil Homme et la mer est sur les écrans, dirigé par John Sturges et incarné par Spencer Tracy. Le film, commencé en avril 1953, voit Hemingway lui-même participer au tournage des séquences de pêche en 1955, après être rentré d’un safari africain, sur de grands espaces « qui ne confisquent pas la liberté », face à des animaux de gros calibre (lions, buffles, rhinocéros) et après s’être sorti de deux accidents d’avion, toujours sur le continent Afrique.

 

Mais cette liberté si chère, Hemingway ne va pas la vivre uniquement dans les dérivatifs d’activités physiques et centrées sur soi. Hemingway lit beaucoup, travaille beaucoup, vit beaucoup, boit beaucoup, mange beaucoup, aime beaucoup. Mais, comme l’écrit Gérard de Cortanze, qui lui a consacré de belles publications : « Hemingway c’est un chasseur de fauves, un pêcheur au long cours, un amateur de corridas, un boxeur, un viril, un violent, un alcoolique, mais aussi un correspondant de guerre, un romancier puissant, un journaliste de tout premier plan, un extraordinaire nouvelliste hanté par la phrase exacte, la vérité. Il n’écrit que sur ce qu’il connaît. »

 

Hemingway l’Italien

Le jeune Hemingway a rapidement délaissé ses études universitaires, par besoin de liberté personnelle, et a obtenu très tôt un emploi de « faits-diversier » au Kansas City Star.

 

Dès 1917, il veut se battre en Europe, là où il sent un combat qui ne peut que motiver un Américain. Et c’est sa mauvaise vision d’un œil qui empêche l’enrôlement. Il s’engage alors dans la Croix-Rouge. En 1918, il est à Paris bombardée par l’artillerie allemande. Et il gagne l’Italie au front des combats où il est gravement blessé : en juillet, dans la nuit, près de Fossalto di Piave, un tir de mortier le blesse à la jambe droite (227 éclats) et un tir de mitrailleuse l’atteint alors qu’il ramène à l’arrière un camarade de combat. Il passe trois mois dans un hôpital de Milan.

 

Cette Première Guerre mondiale va lui inspirer L’Adieu aux armes, un amour tragique entre un ambulancier américain incorporé dans l’armée d’Italie et une infirmière anglaise, roman dans lequel il dénonce la guerre destructrice, son absence de sens, le cynisme des soldats, les déplacements tragiques des populations. L’histoire sera portée à l’écran en 1957 dans un film de Charles Vidor avec Rock Hudson. Hemingway a bien ressenti ce que les Américains engagés dans cette Première Guerre mondiale ont vécu : « Un départ héroïque au combat, la grande boucherie de la guerre avec ses victimes misérables, ses chefs indigents. » Et il perçoit le coup fatal porté aux idéaux de gloire, d’honneur, de patrie et de liberté qui étaient les leurs de l’autre côté de l’Atlantique.

 

En 1921, Il est envoyé par son journal, le Toronto Star, auprès des troupes grecques en Anatolie à Inönii pour couvrir les guerres gréco-turques : « Ces mulets, avec leurs pattes brisées dans cette eau peu profonde, en train de se noyer. » La retraite des troupes grecques l’horrifie !

 

De nouveau de passage en Italie, il interviewe Mussolini : « Je m’approche de lui pour voir le livre qu’il semble lire avec intérêt. C’est un dictionnaire français-anglais tenu à l’envers. » C’est le premier contact qu’il a avec le fascisme européen. « Le fascisme est toujours le fait de gens déçus. J’ai assez bien connu Mussolini… Il était impossible de ne pas se souvenir de lui comme un lâche à la guerre et comme un journaliste malhonnête. »

 

Hemingway l’Espagnol révolté

En 1923, il fait un reportage, toujours pour le Toronto Star, dans la Ruhr occupée par les Français. Puis il visite l’Espagne où il découvre les courses de taureaux. Il reverra l’Espagne en mai 1931, alors que la République a été proclamée en avril. Il reprend le manuscrit de Mort dans l’après-midi. En 1934, il écrit l’introduction au catalogue de l’exposition à New York des œuvres de son ami Luis Quintanilla, socialiste emprisonné pour avoir participé à la révolte des Asturies en octobre. En juillet 1936, c’est le pronunciamiento des militaires contre la République et Hemingway se passionne pour les événements de la péninsule ibérique. Il va mettre la main à la pâte, d’abord en finançant deux volontaires pour l’Espagne républicaine puis en contribuant à l’achat de deux ambulances.

 

En 1937, il signe pour un poste de correspondant de guerre en Espagne avec la North American Newspaper Alliance. Il est le porte-parole du bureau de l’Association des amis de la démocratie espagnole. Il rencontre l’autre grand écrivain américain, John Dos Passos, et ils mettent au point un projet de film documentaire destiné à aider les Républicains. Il est à Barcelone après le raid de l’aviation franquiste. Puis c’est le champ de bataille de Guadalajara, les Républicains se battant contre les troupes de Mussolini. En pleine guerre civile, il fait de sa chambre à l’hôtel Gaylord à Madrid un centre d’accueil où amis, journalistes, viennent prendre un verre, manger, « le bruit des machines à écrire se mêlant à la musique d’un phonographe ». Ilya Ehrenbourg, écrivain soviétique, dira de lui : « On aurait dit qu’il faisait la guerre pour son propre compte ». La république qu’il défend a ses propres valeurs de liberté face au « nazisme anthropophage et liberticide ». C’est « une guerre qui réveille les consciences du monde ».

 

HEMINGWAY : « L’ÉCRIVAIN EST SUR TERRE POUR ACCOMPLIR UNE MISSION, QUE LE TALENT NE SUFFIT PAS S’IL NE SE DOUBLE PAS D’UNE CONSCIENCE »

 

Dans For whom the bell tolls (Pour qui sonne le glas), en 1940, Robert Jordan (interprété au cinéma par Gary Cooper dans le film de Sam Wood qui en sera tiré), c’est Hemingway, sans idéologie, avec honnêteté, qui vit « l’aventure de sa vie ». Il écrit : « Ce n’est pas la liberté, de ne pas enfouir les ordures qu’on fait. Il n’y a pas d’animal plus libre que le chat, mais il enterre ses saletés. Le chat, c’est le meilleur anarchiste. » Ou encore : « Je t’aime comme j’aime la liberté et la dignité et le droit de tous les hommes de travailler et de ne pas avoir faim. (…) Nul homme n’est une île complète en soi-même : tout homme est un morceau de continent, une part du tout… La mort de tout homme me diminue parce que je suis solidaire du genre humain ; et donc en conséquence n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas ; il sonne pour toi. » Robert Jordan dit que « le monde vaut la peine qu’on se batte pour lui, vaut la peine qu’on meurt pour lui ». Hemingway pense que « l’écrivain est sur terre pour accomplir une mission, que le talent ne suffit pas s’il ne se double pas d’une conscience ». Il cesse d’être chrétien avec les atrocités commises par les catholiques lors de cette véritable guerre civile, tout en montrant les Rouges du village de Pilar qui tuent les fascistes à coup de fléau et les jettent dans la rivière, du sommet d’une falaise.

 

Avec Joris Ivens, cinéaste et producteur hollandais, il participe à la préparation d’un film documentaire sur la vie d’un village : Terre d’Espagne. Il écrit le commentaire. Et on le voit poser aux côtés de Joris Ivens et de Werner Heilbrun, médecin, dans les tranchées de l’université de Madrid. Il obtient l’appui financier d’amis américains pour envoyer ambulances, matériel sanitaire, équipements de secours. Il fait lui-même un don de 40 000 dollars au gouvernement républicain. Et il s’indigne de l’American Neutrality Act qui empêche toute intervention gouvernementale de son pays. Au Carnegie Hall de New York, il vilipende le fascisme avec la League of American Writers. Il publie des interviews de volontaires U.S. dans les Brigades internationales venus combattre avec les Républicains espagnols. Dans l’attente d’une offensive qui ne viendra pas, il écrit son unique pièce de théâtre La Cinquième Colonne. Il publie En avoir ou pas, tiré à 10 000 exemplaires, qui donnera le film d’Howard Hawks. L’écriture de ce roman a été précédée par une constatation : « un seul homme est foutu d’avance », en posant que l’individualisme ne sert à rien, ce qui le pousse à s’engager.

 

Des nouvelles écrites sur le champ jalonnent ces années espagnoles. Personne ne meurt jamais est l’histoire d’une jeune femme dont tous les frères sont morts dans la guerre de libération d’Espagne et qui résiste héroïquement au régime militaire liberticide au pouvoir à Cuba. Dans En contrebas, on voit que le combat pour la liberté n’est pas une promenade romanesque et élégiaque. La scène est une colline dans le secteur de Jarama où la 12e brigade mène une attaque pour libérer un territoire et qui échoue. Dans Veillée d’armes, son héros s’exprime ainsi : « Maintenant me remémorant ce qui s’était passé, je me rendais compte que cela avait été un bain de sang comme celui de la Somme. C’était bien l’armée du peuple qui avait l’initiative. Mais elle attaquait de telle manière que cela ne pouvait aboutir qu’à un seul résultat : sa propre destruction. (…) La mort c’est simplement dégueulasse, c’est du gaspillage. (…) Bien des choses peuvent mettre en colère un homme et l’idée qu’il va mourir, que lui va mourir pour rien, en est une. Pourtant je crois qu’être en colère c’est encore ce qu’il y a de mieux pour partir à l’assaut. »

 

Dans les combats, on prend Hemingway pour un Russe avec son allure, son aspect physique : « Et pourquoi détestes-tu les Russes ? Parce qu’ils sont les représentants de la tyrannie et parce que je ne peux pas voir leurs sales gueules. »

 

Une lettre écrite à Key West Floride, en 1937, en dit long sur l’engagement d’Hemingway : « Ça m’ennuie énormément de partir mais on ne peut préserver son bonheur en s’efforçant de prendre soin de lui ou en le mettant dans la naphtaline et depuis longtemps moi et ma conscience savions que je devais aller en Espagne… Il se peut que les Rouges soient aussi mauvais qu’on le dit mais ils sont le peuple espagnol contre les propriétaires terriens absentéistes, les Maures, les Italiens et les Allemands. (…) Je ne crois pas gagner de l’argent avec les souffrances d’autrui ; d’où les ambulances avec l’argent donné au gouvernement. » Une autre lettre écrite de Marseille en 1938 règle des comptes avec un autre écrivain engagé, André Malraux : « Je vais m’installer pour écrire et les couillons et truqueurs comme Malraux qui s’est tiré en février 37 pour écrire de gigantesques chefs-d’œuvre (avec le jeu de mot sur chefs-d’œuvre, en anglais “masterpisses”) (…) Avant que ça ait vraiment commencé, recevront une bonne leçon quand j’écrirai un livre de taille normale ne contenant rien de truqué. » Il écrit à sa mère en 1939 : « Quand je lis dans le Sunday Visitor des articles sur l’humanité du général Franco qui aurait pu terminer la guerre il y a des mois, s’il n’avait pas craint de faire du mal à la population civile, après avoir vu ville après ville, rasées par ses bombardements, leurs habitants tués, les colonnes de réfugiés sur les routes bombardées et mitraillées !! » Pour enfoncer le clou, il écrit à Ivan Kashkin (traducteur et critique) la même année : « Les gens du genre de ceux qui n’ont rien fait pour défendre la République espagnole éprouvent maintenant un grand besoin de nous attaquer, nous qui avons essayé de faire quelque chose, afin de nous rendre ridicules et de justifier leur égoïsme et leur lâcheté. Et comme après nous être battus aussi bien que possible et sans penser à nous, nous avons perdu, ils disent maintenant combien il était stupide de nous battre. »

 

Hemingway et la libération de l’Europe

Pour Hemingway, la guerre d’Espagne a été de bout en bout « la répétition générale de l’inévitable guerre européenne ». Et même s’il est déçu par la manière dont les Français ont traité la République espagnole, ce qui fait qu’il ne se sent « aucune obligation de se battre pour les Français », Hemingway va participer en France au débarquement de Normandie, le 6 juin 1944, mais sans aller à terre, et à la libération de Paris, à sa place mais pleinement à sa place, après avoir accompagné des pilotes de la RAF anglaise. Attaché au 22e régiment d’infanterie qui file vers Paris, il se retrouve commander un groupe de combattants FFI et pose problème aux autorités, car, officiellement, il est correspondant de guerre pour le compte du magazine Collier’s.

 

Présent à Paris lors de sa libération, il intervient au Ritz, occupé par les Allemands, au Café de la Paix. Puis il participe au combat de la forêt de Hürtgen et à la bataille des Ardennes. Il signe ses lettres à Mary Welsh, sa femme, d’un « ton grand ami correspondant de guerre » et trouve que « la France est amusante maintenant. Je veux dire maintenant que nous en avons libéré de vastes zones sans destruction, ayant utilisé intelligemment infanterie, aviation, blindés ».

 

HEMINGWAY AVAIT MÊME CRÉÉ UN RÉSEAU DE CONTRE-ESPIONNAGE CONTRE LES SYMPATHISANTS FRANQUISTES ET NAZIS À CUBA, LE RÉSEAU CROOK FACTORY (« L’USINE-ESCROC »)

 

1944 est aussi la date du tournage du film Le Port de l’angoisse d’Howard Hawks, avec les mythiques Humphrey Bogart et Lauren Bacall, tiré de En avoir ou pas. En Martinique vichyste, le patron pêcheur, Harry, loue son bateau à de riches touristes américains pour la pêche. Il se retrouve dans la Résistance française face à la police de Vichy. Dans le roman qui ne se passe pas en Martinique mais à Cuba, le jeune révolutionnaire dit à Harry, le héros : « Vous ne savez pas combien c’est terrible ce qui se passe à Cuba. Vous n’imaginez pas à quel point c’est la tyrannie absolue, l’assassinat légal. »

 

Avant cette année phare de 1944, il avait accompagné sa femme Martha Gellhorn qui couvrait la guerre sino-japonaise dans une Chine exsangue. Il publie des articles dans un quotidien proche des idées communistes.

 

En 1942, depuis Cuba et sa propriété de la Finca Vigia, il avait proposé à l’ambassade américaine de créer une officine d’espionnage privée, tout en patrouillant sur son bateau, Le Pilar, pour chasser les sous-marins allemands dans les Caraïbes. Le Pilar est « déguisé » en navire espion avec canon, mitrailleuse, explosifs ; il veut sauver l’Amérique et la démocratie. Des extraits de L’Adieu aux armes et Pour qui sonne le glas avaient paru dans un recueil dont il avait fait la préface : Hommes de guerre. Hemingway avait même créé un réseau de contre-espionnage contre les sympathisants franquistes et nazis à Cuba, le réseau Crook Factory (« l’Usine-Escroc ») contre l’avis d’ailleurs du FBI américain, très hostile face à ce « dangereux anti-libéral ».

 

Des nouvelles s’appuyant sur ces faits d’armes pour le rétablissement des voies de la liberté seront écrites par Hemingway « à propos de ce bon vieux temps avec les Irréguliers, les FFI qui fut une époque très mouvementée de ma vie, la plus heureuse et la pire que j’ai jamais connue ». Ce sera, entre autres, Cafard au carrefour, histoire fictive d’une embuscade tendue à des Allemands en fuite sur la route d’Aix-la-Chapelle. Il avait dit que son engagement comme correspondant de guerre avec les alliés offrait « de la matière pour un livre merveilleux ». En fait, ce ne furent que quelques pages dans son beau roman Au-delà du fleuve et sous les arbres et un reportage très réussi, En route pour la victoire.

 

Hemingway le Cubain

 

Ernest Hemingway et Fidel Castro.

 

Revenu très lucide de l’enfer de la guerre, auréolé du prix Nobel de littérature en 1954, il va s’installer à Cuba où il va passer beaucoup de son temps, près de La Havane, dans sa Finca Vigia louée dans un premier temps par sa femme Martha Gellhorn et achetée en 1940.

 

Il va connaître le changement de régime avec la guérilla entre le dictateur Batista et Fidel Castro. Hemmie, comme l’appellent ses amis, vit au milieu des manguiers, des palmiers, des hauts murs blancs de sa propriété à San Francisco de Paula, autour de la fontaine de whisky du Floridita, avec les coups de poings échangés à La Bodeguita del medio, au « paradis sous les étoiles » du casino, au rythme de Nat King Cole.

 

En 1957, les soldats de Batista perquisitionnent de nuit la Finca, à la recherche de caches d’armes pour les opposants castristes. Les soldats abattent Blackdog, le chien préféré d’Hemmie : « Chien Noir, vieux et à moitié aveugle, essayait de monter la garde à la porte de la Finca. Un soldat l’a tué à coups de crosse. Pauvre vieux Chien Noir, il me manque. Il n’est plus là le matin quand je travaille, allongé à côté de ma machine à écrire. » En novembre 1958, il écrit à son fils Patrick : « Cuba est vraiment moche maintenant… Les deux côtés atroces l’un et l’autre. Sachant le genre de choses et de meurtres qui vont continuer, quand les nouveaux arrivants verront les abus de ceux qui sont en place maintenant, j’en ai marre. »

 

Il traite Batista de « hijo de puta ». Il sait que Fidel Castro a lu Pour qui sonne le glas. Et, en mai 1960, lors d’un concours de pêche, Hemmie remet le trophée gagné à Fidel Castro, ce qui donnera une photo largement utilisée par le nouveau pouvoir pour montrer Hemingway l’Américain et Castro côte à côte. Au Floridita, il reconnaît devant des amis « la révolution honnête » menée par les Barbudos, « la meilleure chose qui soit arrivée à Cuba ». Il parle de « nécessité de la révolution cubaine ». Mais « vus tous les intérêts US à Cuba, espérons que les Américains ont fait tout leur possible pour essayer de donner pour la première fois leur chance aux Cubains ». Dès le début, il « prie le ciel que les USA ne stoppent pas leurs achats de sucre. Ce serait la fin de tout. Cela reviendrait à faire cadeau de Cuba aux Russes. »

 

Partisan du premier Castro aux portes du pouvoir et dans les premiers mois de l’exercice du pouvoir, il va très vite réclamer la liberté au second Castro arrimé au pouvoir. Il quitte Cuba au moment où les Barbudos castristes entrent dans le processus de parti unique qui va fossiliser l’île. Et lorsqu’en janvier 1961 la rupture entre les États-Unis et Cuba est consommée, il écrit : « Castro ne s’en prend pas particulièrement à moi, je lui fais une bonne publicité, alors il ne me fera peut-être jamais d’ennui et me laissera vivre ici. Mais je suis avant tout américain et on humilie mon pays. »

 

Hemingway et la liberté suprême

Le 2 juillet 1961, Hemingway, qui n’avait pas ménagé son corps durant sa vie aventureuse, avec force commotions cérébrales, brûlures, entailles, fractures, atteint de longue date par une cirrhose, une hypertension artérielle, depuis peu par la difficulté de s’exprimer, l’absence d’appétit, l’amaigrissement, le désintérêt pour tout, se tue avec sa carabine. Liberté suprême qu’il s’est octroyée : décider seul de sa propre mort, de mettre fin en toute liberté à sa vie. L’homme qui avait eu un goût prononcé du travail, qui avait fait preuve d’une rigueur intellectuelle et morale rare, qui avait mené une vie pleine de sens, s’éteint donc brusquement, viscéralement attaché à sa liberté.

 

LIBERTÉ SUPRÊME QU’IL S’EST OCTROYÉE : DÉCIDER SEUL DE SA PROPRE MORT, DE METTRE FIN EN TOUTE LIBERTÉ À SA VIE

 

Viscéralement attaché à la liberté : il a eu quatre épouses, Hadley Richardson, Pauline Pfeiffer, Martha Gellhorn, Mary Welsh dont il dira : « Avec Mary lorsque nous couchions ensemble il suffisait que nos pieds s’effleurent et c’était comme si nous faisions l’amour. Vous savez que si vous aimez quelqu’un c’est seulement de son plaisir que vous êtes heureux. » Mais en avouant toutefois vivant dans l’adoration absolue de ses femmes et la plus entière liberté : « J’évite la sentimentalité ; les animaux s’accouplent sans émotions trop délicates. Pas de doucereux soupirs à l’acte sexuel. Les hommes mangent les femmes. Les femmes mangent les hommes. »

 

Viscéralement attaché à la liberté des autres dans ces combats d’un XXe siècle de séismes politiques, il n’en néglige pas pour autant la défense de la liberté de ses amis de l’autre camp. Comme le lecteur peut le voir dans l’une de ses lettres importantes en 1956 à Ezra Pound, grand poète et musicien américain mais apologiste du fascisme italien, devenu antisémite et anti-Américain, arrêté en 1945 par les troupes américaines : « Pendant la guerre, j’ai eu les enregistrements de tes émissions de radio et parfois quand j’étais de service à l’écoute je t’ai entendu. Je ne les aimais pas du tout et certaines fois je les aimais encore moins… Mais je ne peux supporter que tu sois détenu alors que d’autres qui ont travaillé contre leur pays ont été libérés en Angleterre. »

 

 

 

À lire, en plus des grands romans cités :

Nouvelles complètes, Hemingway, Gallimard.

Hemingway à Cuba, Gérard de Cortanze et Jean-Bernard Naudin, éditions du Chêne.

Le Roman d’Hemingway, Gérard de Cortanze, éditions du Rocher.

 

À voir :

Hemingway et Gellhorn, film de Philip Kaufman avec Clive Owen et Nicole Kidman.

https://the-dissident.eu/dossiers/hemingway-et-la-liberte/

 

Hemingway à Cuba (Français) Poche – 24 avril 2002

Détails sur le produit

Éditeur : Gallimard (24 avril 2002)

Langue : Français

Poche : 193 pages

Description du produit

Quatrième de couverture

"Après plusieurs incursions sur les côtes cubaines, Hemingway loue, en avril 1932, une chambre à l'hôtel Ambos Mundos, à La Havane, où il écrira de nombreux articles et son roman Pour qui sonne le glas.Sept ans plus tard, Martha Gellhorn, qu'il a rencontrée en Espagne pendant la guerre civile, trouve près de La Havane, à San Francisco de Paula, une maison de style colonial espagnol : la Finca Vigía. Au milieu de ses vastes bibliothèques, parmi soixante-sept chats et chiens, entouré de tableaux qu'il aime, de ses fétiches africains et de ses trophées de chasse, il y écrit, dans la douleur, une oeuvre. Quand il ne pêche pas, il assiste à des parties de pelote basque, pratique le tir au pigeon au Club du Cerro, retrouve ses amis américains et ses chers pêcheurs cubains. Il ne quittera Cuba qu'en juillet 1960. Un an plus tard, il se suicidera.Il avait passé trente ans de sa vie à Cuba. Ce livre est l'histoire d'une rencontre entre un écrivain et un pays."Gérard de Cortanze.

Biographie de l'auteur

Gérard de Cortanze a publié une cinquantaine de livres, parmi lesquels des romans, des récits autobiographiques dont "Spaghetti !" et "Miss Monde" (collection Haute Enfance), ainsi que des essais consacrés à Auster, Semprun, Hemingway, Sollers, Le Clézio... En 2002, il a obtenu le prix Renaudot avec "Assam". Descendant d'une illustre famille aristocratique (les Roero Di Cortanze) par son père, et de Michele Pezza (plus connu sous le nom de Fra Diavolo) par sa mère, cet ancien coureur de 800 mètres a fait de l'Italie en général et du Piémont en particulier la matière première de son oeuvre littéraire, notamment dans son cycle romanesque des "Vice-rois". Il collabore au "Magazine littéraire" et dirige la collection Folio Biographies aux Éditions Gallimard.

 

Quand Hemingway acheta 43.345 mètres carrés de territoire cubain.

jeudi 26 juin 2014

par  Michel Porcheron

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La Finca Vigia – que Hemingway, avec Martha Gellhorn, sa troisième épouse, commença à occuper il y a 75 ans- est une des plus belles maisons d’écrivains au monde. Elle a conservé sa magie. Dès le lendemain de la mort de Ernest Hemingway (juillet 61) à Ketchum, Mary Welsh, sa veuve et les autorités cubaines au plus haut niveau, avaient trouvé un accord – toujours respecté – pour sa conservation et sa transformation en musée ouvert au public.

« Vous n’avez pas le droit de pénétrer dans les locaux, mais l’agencement des fenêtres et l’intelligente architecture de cette demeure, permettent de tout scruter, tout comprendre » (Philippe Labro) .

 

Hemingway acheta la Finca Vigia à un (riche) français

 

Par Michel Porcheron

 

Ernest Hemingway n’avait pas attendue d’être séparée de Pauline Pfeiffer, sa deuxième épouse, en septembre 1939, pour s’installer définitivement à Cuba. Depuis plusieurs années il avait découvert l’Ile par sa passion pour la pêche et dès avril 1932, chaque fois qu’une partie de pêche le conduisait de Key West à La Havane, il avait choisi un hôtel modeste, El Ambos Mundos , rue Obispo, où une chambre, la 511 allait lui être réservée en permanence par le directeur Manolo Asper. 

 

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Début 39, il l’occupe à plein temps. Il travaille sur son manuscrit de Pour qui sonne le glas.

 

Martha Gellhorn, journaliste  (sa liaison avec E.H avait commencé durant la guerre d’Espagne) le rejoint à Cuba. Par discrétion, elle descend au Sevilla Biltmore.

 

Elle part à la recherche d’une maison, plutôt  dans les environs de la capitale. Elle finit par trouver en avril 1939 une demeure, « quelque peu délabrée, de plain-pied, vaste et fraîche », selon l’auteur (1) Gérard de Cortanze (GdC), qui ajoute : « Elle rénove les bâtiments en ruine avec ses fonds personnels et s’y installe. Hemingway la rejoint, mais continue de faire suivre son courrier à l’Ambos Mundos –pour sauver les apparences ».

 

Le couple commence par la louer – la maison s’appelle La Finca Vigia--  pour cent dollars par mois, et ce jusqu’en décembre 1940.

 

A la fin du XIX e siècle, le terrain avait été acheté par un architecte catalan Miguel Pascal y Baguer qui allait y construire sa maison familiale. La commune est San Francisco de Paula, à une quinzaine de km de La Havane : un ancien ermitage édifié au XVIII e siècle par un colon canarien, Agustin Francisco de Arocha (GdC), avec autour un village de pauvres baraques.  

 

La Finca Vigia est de « style colonial, elle a de hauts plafonds, des sols en carrelage, une immense salle de séjour »

 

 Grâce au succès de librairie de Pour qui sonne le glas (publié en octobre 40) et aux droits d’adaptation au cinéma du roman (film de Sam Wood, avec Gary Cooper et Ingrid Bergman, 1943), Hemingway est en mesure d’acheter la Finca Vigia.

 

En novembre 40, il divorce de Pauline Pfeiffer, sa deuxième épouse, il épouse deux semaines plus tard Martha Gellhorn (le 21 novembre, à New York)  et le 22 janvier 1941 est signé officiellement l’acte d’achat de la Finca Vigia devant notaire, el Doctor Mario Recio y Forns. L’achat avait été conclu le 21 décembre 1940.     

 

Le vendeur  est un Français, mais que des habitants de San Francisco de Paula appellent Mister Dorn, selon l’habitude cubaine d’alors de considérer tous les riches étrangers comme des Nord-américains. Hemingway découvre que le nom du vendeur est Roger Joseph d’Orn Duchamp de Chastaigne, propriétaire de biens immobiliers. 

 

Le journaliste cubain Norberto Fuentes (Hemingway en Cuba, Ed.Letras Cubanas)  retrouva l’original de l’acte dans une salle de documents, rue Prado (tomo 239, folio 41 del Registro de la Propriedad Unificada de Guanabacoa). En effet le cadastre de la municipalité avait été détruit dans un incendie en 1940.

 

Selon l’auteur cubain, « sans aucun doute, le langage archaïque officiel de ce texte a exaspéré Hemingway qui stoïquement a attendu que le notaire en termine la lecture ».

 

Le prix officiel de la Finca Vigia ? 18.500 pesos cubanos (souligné dans l’original). Ce qui permet à Norberto Fuentes d’affirmer que le biographe majeur de E.H, Carlos Baker a fait une erreur quand il a indiqué que le coût fut de 12.500 pesos.

 

Roger Joseph d’Orn est né en France, il est citoyen français, il réside à Cuba, domicilié au n°3 de la Calzada de Concha à La Havane. Marié, son épouse s’appelle Angèle d’Orn. Sa carte d’identité d’étranger porte le n° 100.497.

 

Le chèque de E.H. est de la Trust National Bank of Boston, succursale de Aguiar y Lamparilla de La Havane.

 

Domicilié à Saint Louis, Etats Unis, el señor Ernest Hemingway n’a pas de carte d’étranger à Cuba, étant  touriste. 

 

Frais administratifs : 300 pesos.

 

 Au total, Hemingway venait d’acquérir 43.345 mètres carrés de territoire cubain.

 

« Quand un type comme moi, qui pourrait habiter où il veut dans le monde, déclara un jour Hemingway, choisit de vivre ici, les gens veulent savoir pourquoi, naturellement. En général, je ne me donne pas la peine d’expliquer. C’est trop compliqué ».

 

                             La Finca vue par un écrivain français

 

L’écrivain et journaliste Philippe Labro, il y a quelque temps, passait par Cuba. Dans une chronique du Figaro il écrivait notamment :

 

« Surtout, le moment d'avide curiosité de ce bref interlude cubain, fût la visite de Finca la Vigia de mon cher Ernest Hemingway. Pour qui s'est nourri et inspiré de cet orfèvre prosateur qui a su exercer le meilleur journalisme pour se muer en un romancier et nouvelliste d'exception, avoir pu arpenter les 9 hectares de la propriété transformée en musée, et voir de près la fameuse machine à écrire Royal, les meubles, objets, trophées de chasse, du maître en écriture, aura constitué un épisode euphorisant. Tout a été conservé dans son jus(…)

 

Des maisons d'écrivains, j'en ai visité quelques-unes. Mais Finca la Vigia à Cuba, à 15 km de La Havane, m'a procuré une sensation inédite, comme si l'énergie, l'ambition, la faim et soif de vie du géant faisaient encore vibrer ces murs et trembler l'acajou cubain - le plus dur au monde, celui que les termites ne peuvent le ronger. Aucun termite ne peut détruire la mémoire d'un grand écrivain, ses mots et ses phrases survivent à tout ».

 

Note

 

(1)- Dans son livre « Hemingway à Cuba », Gérard de Cortanze évoque l’emblème de la Finca (qui fait la couverture de « Hemingway en Cuba » de Norberto Fuentes) : les barres horizontales du bas symbolisent le grade de capitaine qui fut celui de Mary Welsh et de Hemingway pendant la Seconde guerre mondiale. Au dessus , une flèche de la tribu Ojibway. Son territoire était celui de l’enfance du petit Ernest, le Michigan et le Minnesota. Au dessus encore,  trois V inversés, trois montagnes, Montparnasse, Montmartre et la montagne Sainte- Geneviève. Trois montagnes parisiennes et les trois collines qui entourent la Finca.    

https://cubacoop.org/spip.php?page=article&id_article=1652&lang=fr

(mp)

Des Américains à Paris : De Benjamin Franklin à Ernest Hemingway (Français) Broché – 18 mai 2004

de René Maurice  (Auteur)

étails sur le produit

Éditeur : Sextant (18 mai 2004)

Description du produit

Quatrième de couverture

Dès la constitution de leur pays, Paris a attiré les Américains. Paris a été pour nombre d'entre eux une étape, le lieu d'une rencontre décisive dans leur carrière, dans leur oeuvre, dans leur vie. Ils ont choisi la capitale pour des raisons professionnelles, politiques, ou simplement par envie. Aucun ouvrage jusqu'à présent, sinon des biographies diverses, n'a proposé une histoire complète, globale des Américains à Paris, les plus célèbres mais également les oubliés.

L'ouvrage de René Maurice retrace des destins individuels et des trajets de communautés particulières (par exemple, les 400 architectes américains venus aux Beaux-arts en 1867 et 1914, les lesbiennes entre 1900 et 1930, etc.), et il propose aussi de façon originale et inédite une histoire des relations entre les Etats-Unis et la France sur plus de deux siècles à travers une étude, très documentée, quasi exhaustive de la présence américaine à Paris rendue vivante par de nombreuses anecdotes et « petits faits vrais ».

Ainsi, par exemple, de nombreuses femmes américaines se sont installées à Paris au début du XXe siècle, cherchant une émancipation qu'elles ne pouvaient trouver dans leurs pays. De même les Noirs Américains, venus respirer une liberté qu'ils ne devaient conquérir que 50 ans plus tard avec Martin Luther King, fuyant les ghettos et la ségrégation. Libération aussi de l'imagination : la découverte par Gertrude Stein de Picasso et Matisse, la publication d'Ulysse de Joyce grâce à Sylvia Beach, ou la transformation du journaliste Hemingway en écrivain.

Ce volume comprend 17 chapitres, de Benjamin Franklin à Ernest Hemingway. Un découpage naturel qui s'arrête à la crise économique de 1929 quand les Américains présents à Paris retournent massivement dans leur pays.

Biographie de l'auteur

René Maurice est historien et écrivain. Il vit dans la banlieue parisienne, à Fontenay-sous-bois. Son dernier ouvrage paru La Fugue à Bruxelles (Editions du Félin), publié en 2003, a obtenu un bon succès médiatique. Il a publié, également, Guédelon, le château de la mémoire, L'Hermione, la frégate de la liberté, (aux Éditions du Gulf Stream), Les Années de plomb, sur la Résistance (Éditions FNV). Il est coauteur de plusieurs Guides Gallimard dont Paris Aller-Retour, et également chez Hachette.

Présentation

Hemingway attachait plus d'importance à ses «histoires», ses nouvelles, qu'à ses romans. Écrire une bonne histoire, encore une bonne histoire, fut l'obsession de sa vie, les lettres publiées ici en témoignent. C'est là qu'il atteint la concision - son idéal d'écriture formulé très tôt -, et qu'il obtient ce qu'il vise : la synthèse de l'imaginaire et de l'expérience vécue. «La seule écriture valable, c'est celle qu'on invente, celle qu'on imagine.»78 nouvelles sont réunies dans ce volume : toutes celles qu'il publia de son vivant en recueils ; mais aussi les nouvelles, esquisses et fragments parus dans des revues ou qui ont été retrouvés dans ses papiers après sa mort.

Ernest Hemingway,Nouvelles complètes,Gallimard,Quarto,1999

 

 

Musée Ernest Hemingway de Cuba

Musée Ernest Hemingway de Cuba

ou Finca La Vigía

Image dans Infobox.

Salon de la Finca La Vigía

Collections

Collections    

Demeure et objets de la vie d'Ernest Hemingway

Localisation

Pays   

Flag of Cuba.svg Cuba

Commune       

San Francisco de Paula à 11 km de La Havane

Coordonnées  

23° 04′ 04″ N, 82° 17′ 47″ O

Géolocalisation sur la carte : Cuba

(Voir situation sur carte : Cuba)Point carte.svg

modifier - modifier le code - modifier WikidataDocumentation du modèle

 

Le musée Ernest Hemingway de Cuba ou Finca la Vigía (« la ferme vigie »), est une maison de style colonial du xixe siècle, située dans un parc de neuf hectares, où a vécu et écrit Ernest Hemingway (1899-1961), près de La Havane à Cuba dans les Caraïbes, entre 1939 et 1960. L'auteur, surnommé « Papá » par les cubains, devenu depuis une légende à Cuba, y a écrit quelques-unes de ses œuvres, dont Pour qui sonne le glas, Le Vieil Homme et la Mer, Paris est une fête…

 

 

Sommaire

1          Historique

2          Musée Ernest Hemingway

3          Voir aussi

4          Liens externes

Historique

En 1886, cette maison coloniale est construite par l'architecte catalan Miguel Pascual y Baguer, au sommet d'une colline de la petite ville de San Francisco de Paula, sur une propriété de neuf hectares plantés d'arbres tropicaux, avec une ferme, une tour avec vue sur La Havane et sur la mer des Caraïbes, à environ onze kilomètres de La Havane.

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Three Stories and Ten Poems est le premier ouvrage d’Hemingway, publié à Paris en 1923 par les Éditions Contact. Les dix poèmes qui le composent méritaient une relecture en ce qu’ils comportent en germe les premiers romans de l’auteur, Le soleil se lève aussi et L’adieu aux armes. La guerre, Paris, l’Amérique traversent ces poèmes concis, précis, ironiques et audacieux. Dans les poèmes suivants, nous redécouvrons un jeune auteur de 17 ans et celui qui, à la suite de sa première publication, travaille à trouver la plus grande efficacité dans l’art narratif. Dans cet ensemble, on perçoit l’influence conjointe d’Ezra Pound et de Gertrude Stein, mais surtout une voix singulière s’affirme. Retraduire ces poèmes s’imposait, en rétablir les choix strophiques et prosodiques, afin de reconsidérer l’utilisation du vers par l’écrivain américain.

Ces poèmes ne sont pas inédits. On les retrouve dans 88 poèmes publiés par Gallimard, éditions qui reprend les Collected Poems américains. Ainsi les Ten Poems n’y sont pas regroupés, le choix éditorial étant la stricte observance de la chronologie. Ils le sont dans le volume I de la Pléiade, mais à une place qui n’est pas sans être discutable, ainsi que le sont les traductions.

 

Three Stories and Ten Poems est le premier ouvrage d’Hemingway, publié à Paris en 1923 par les Éditions Contact. Les dix poèmes qui le composent méritaient une relecture en ce qu’ils comportent en germe les premiers romans de l’auteur, Le soleil se lève aussi et L’adieu aux armes. La guerre, Paris, l’Amérique traversent ces poèmes concis, précis, ironiques et audacieux. Dans les poèmes suivants, nous redécouvrons un jeune auteur de 17 ans et celui qui, à la suite de sa première publication, travaille à trouver la plus grande efficacité dans l’art narratif. Dans cet ensemble, on perçoit l’influence conjointe d’Ezra Pound et de Gertrude Stein, mais surtout une voix singulière s’affirme. Retraduire ces poèmes s’imposait, en rétablir les choix strophiques et prosodiques, afin de reconsidérer l’utilisation du vers par l’écrivain américain.

Ces poèmes ne sont pas inédits. On les retrouve dans 88 poèmes publiés par Gallimard, éditions qui reprend les Collected Poems américains. Ainsi les Ten Poems n’y sont pas regroupés, le choix éditorial étant la stricte observance de la chronologie. Ils le sont dans le volume I de la Pléiade, mais à une place qui n’est pas sans être discutable, ainsi que le sont les traductions.

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Récit : Deux crash aériens et une bataille avec un requin... Toutes les fois où Ernest Hemingway a échappé à la mort

L'écrivain a côtoyé la mort à plusieurs reprises et ce, dès son plus jeune âge, rendant sa vie digne d'un roman d'aventures.

Publié le JEUDI, 12 NOVEMBRE 2020

par Margaux Vanwetswinkel

© Hulton Archive/Getty Images

Ernest Hemingway

Ernest Hemingway est le genre d'individu que l’on aurait aimé avoir dans son équipe à Koh-Lanta. Pas seulement pour sa capacité à raconter des histoires le soir au coin du feu de camp, mais également pour son habilité hors du commun à sortir indemne de situations rocambolesques, voir carrément mortifères. Accidents aériens, explosion d'obus, bataille avec un requin... Au cours de son existence, l'écrivain n'a cessé de jouer à cache-cache avec la mort. Mais quand celle-ci le trouve le 2 juillet 1961, ce n'est pas dans d'abracadabrantes conditions : Hemingway est en pyjama chez lui à Ketchum dans l'Idaho. Il s'est suicidé en se logeant une balle dans la bouche, à l'âge 61 ans.

 

 

Il faut dire que la mort l'attendait au tournant depuis un moment. Depuis ses 18 ans très précisément. En effet, le 8 juillet 1918, Hemingway est sur le front italien-autrichien en tant qu'ambulancier pour la Croix Rouge (il aurait voulu se battre, mais il est jugé non-éligible pour les combats à cause d’un œil défaillant), lorsqu'il est touché par un tir de mortier. Propulsé au sol, il sent la vie quitter son corps, « comme si on avait tiré par l'un des coins un mouchoir de soie de sa poche », racontera-t-il au Time. Le jeune écrivain s’en sort de justesse avec 237 éclats d’obus dans la jambe et une obsession pour la mort, qui transparaît dans tous ses ouvrages selon les critiques. Il s'inspirera d'ailleurs de cette époque de son existence pour son troisième roman, L'Adieu aux armes (1929). Mais cette expérience ne le dissuadera pas pour autant de tenter le diable tout au long de sa vie.

 

Le vieil homme et les dents de la mer

 

C’est que l’homme a un goût très prononcé pour la guerre, la chasse, les armes à feu, la boxe et à peu près toutes les activités permettant de rouler des mécaniques et montrer sa virilité. Ainsi, c’est tout naturellement qu'il rédige pour Esquire une sorte de journal de bord doublé d'un manuel pour tuer les gros bestiaux à la chasse. Pour ce faire (et aussi parce qu'il adore ça), Hemingway se rend à Key West pour pêcher et se retrouve rapidement en prise avec un requin, une belle bête qu’il espère hisser sur le ponton du bateau. D’une main il dégaine son Colt .22 pour achever l'animal, de l'autre il tente de l’immobiliser à l’aide d’une espèce d'harpon. Mais l’engin se brise et Hemingway découvre avec surprise — mais sans douleur, il tient à le préciser —, qu’il s’est tiré dans le mollet, que la balle a ricoché et qu’il s’est blessé à deux endroits. Heureusement, il s’agit là de lésions mineures en comparaison avec ce qu’il a vécu pendant la

Première Guerre mondiale, mais tout de même… Cette fois-ci, il n’écrira pas un livre pour raconter son expérience mais un récit truculent, publié dans Esquire en 1935.

 

Crocodiles et ronflements

 

Malgré ses différents comportements pour le moins risqués (aller sur le front pendant la Guerre d’Espagne, participer à la Libération de Paris, ou plus précisément à celle du Ritz...), c’est pourtant lors d'inoffensives vacances avec son épouse que l’auteur manque de mourir à deux reprises en 1954.

 

 

La scène se déroule en Ouganda, où Hemingway, — amateur de gros bestiaux on l’a compris —, emmène sa femme Mary Welsh pour un safari. « Un cadeau de Noël », dira-t-il au New York Times. Les tourtereaux montent avec un pilote à bord d’un Cessna, afin d'aller sur les traces d’un troupeau d’éléphants. Mais l’avion s’écrase en essayant d’éviter une nuée d’oiseaux et les trois compères doivent passer la nuit en pleine jungle. Ce qui n’effraie en rien l’écrivain, « nous avions des provisions d’urgence, mais peu d’eau. Nous avons fait des tours de garde pour aller à la rivière, mais les éléphants n’étaient pas très contents. Il y avait des hippopotames et des crocodiles qui se baladaient le long de la rivière », raconte-t-il, toujours dans le New York Times, « On a retenu notre respiration pendant deux heures en apercevant à quelques pas de nous la silhouette d’un éléphant, éclairée par la lune, qui écoutait les ronflements de ma femme. » Après avoir été secouru de cet environnement hostile pour les ronfleurs, la troupe embarque dans un deuxième avion... qui prend feu. Pendant deux jours, le monde entier pleure la mort d’Hemingway, tragiquement disparu dans un accident en Afrique.

 

 

Il sortira pourtant de la jungle portant vaillamment quelques bananes et une bouteille de gin : « Ma chance se porte très bien » s’écrit-il alors. Sa femme s’en sort avec deux côtes cassées et sans doute avec l’impression que son cadeau de Noël était empoisonné. Mais passée l'adrénaline, les conséquences de ces crash aériens successifs sont graves : Hemingway a un traumatisme rénal et crânien, des brûlures partout, des vertèbres déplacées et ne peut donc pas se rendre en Suède pour recevoir le Prix Nobel de littérature qu’on veut lui décerner cette année-là. Qu'importe ! Faisant fi des frivolités, il rentre chez lui à Cuba, où il entame une convalescence, tout en continuant d'écrire. Si ses mésaventures ne l’ont pas encore tué, sa consommation d’alcool pourrait bien s’en charger. Ou son amour pour la chasse aux canards ; lors d'une partie, un morceau de projectile s’insère dans son œil et provoque une infection à laquelle les médecins pensent qu'il va succomber. Il n'en est rien.

 

 Personne ne peut tuer Ernest Hemingway, à part lui-même. Ainsi, ce matin de juillet 1961, l'écrivain décide de jouer un dernier tour au destin : lui faire un pied de nez en s'ôtant la vie, sans l'aide de requins, d'avions, d'obus ou d'une vulgaire chasse aux canards.

 

Le soleil se lève aussi, le roman de tous les romans d’Hemingway

Tout Hemingway y est : la nature, le soleil du Sud, la guerre, la violence et la mort, l’amour, Vienne et l’Italie, l’Espagne et les corridas, Paris qu’il aimait tant…

 

Culture

Dominique Lebel

19 Décembre 2020

 

Il aurait voulu être un combattant lors de la Première Guerre mondiale, mais il consacra plutôt sa vie au combat de la littérature. Déjà à un très jeune âge, il voulait être là où les choses se passent et s’éloigner de son Oak Park natal, cette banlieue puritaine de Chicago. Recalé par l’armée pour cause de myopie, le jeune reporter du Kansas City Star trouvera néanmoins le moyen de partir au front. Devenu aide-ambulancier pour la Croix-Rouge en 1918, il est dépêché en Italie à moins de 20 ans. Surpris par un obus ennemi un matin de juillet, il survivra à de terribles blessures aux jambes qui le feront souffrir toute sa vie. De retour aux États-Unis au début de 1919, après de longs mois d’hospitalisation, il aura tôt fait de repartir pour l’Europe en s’installant à Paris en 1921 avec Hadley, sa première épouse. Arrivé à Paris avec en poche une carte de correspondant du Toronto Star, il se construit une stature d’écrivain dès 1926 avec la parution du roman Le soleil se lève aussi. C’est encore un jeune homme, mais l’écrivain incontournable qu’on reconnaîtra en lui apparaît déjà.

 

Tout Hemingway est présent dans ce roman. La nature, le soleil du Sud, la guerre, la violence et la mort, l’amour, Vienne et l’Italie, l’Espagne et les corridas, bien sûr. Mais aussi Paris qu’il aimait tant, et où il reviendra toute sa vie. En 1956, il sera de passage à la Closerie des Lilas — dont il parlait dans Le soleil se lève aussi, 30 ans plus tôt — et laissera une note dans le livre d’or, que l’on peut encore voir aujourd’hui. Toute sa vie, il sera revenu sur ses pas, refaisant les mêmes parcours, jouant avec les mêmes mots, ressassant ses souvenirs jusqu’à les réinventer. Comme un chasseur à l’affût reprenant toujours les mêmes sentiers, dans une sorte de défi lancé au destin. Hemingway aura creusé un sillon si profond que, près de 60 ans après sa mort, on en voit encore les marques à Paris, mais aussi à Venise, à Key West, en Espagne, à Cuba. Or, c’est partout le même homme. Les mêmes habitudes, les mêmes passions, la même obstination, la même nécessité d’écrire. Et toujours cette impression de ne pas vivre assez, de ne pas vivre complètement sa vie. Et cette idée que la proximité de la mort rapproche de la vie, ou fait vivre plus, comme dans ce dialogue entre Robert Cohn et Jake Barnes dans Le soleil se lève aussi :

 

— Je ne peux pas m’habituer à cette idée que ma vie s’écoule si vite et qu’en réalité je ne la vis pas.

— Personne ne vit complètement sa vie, sauf les toréadors.

 

Le soleil se lève aussi est le premier grand roman d’Hemingway, même si c’est L’adieu aux armes, publié en 1929, qui sera son premier véritable succès. Dans son Journal, le critique Matthieu Galey propose une lecture de l’œuvre d’Hemingway en parlant « de la progression, l’affermissement, puis le déclin de son style ». C’est un peu sévère à l’égard d’un écrivain qui, quelques mois seulement avant sa mort, en 1961, travaillait encore sur des manuscrits qui feraient date, comme Paris est une fête et L’été dangereux. Mais il est vrai que ses premiers romans ont une force, une justesse et une tension exceptionnelles. Un peu comme Du côté de chez Swann, de Marcel Proust, révélait déjà en 1913 l’immense Recherche du temps perdu, Le soleil se lève aussi annonce en quelque sorte tout le projet littéraire d’Hemingway. Après Le soleil se lève aussi, il a une pensée construite, ce qui est la marque des grands écrivains. Ses thèmes sont calés, le rythme est donné, le décor est planté, la forme et le fond se sont rencontrés.

 

Les années 1920 à Paris : de jeune homme à écrivain

Hemingway fera de Paris son port d’attache en Europe. C’est une bonne partie de sa vingtaine qu’il y passera, avant de s’installer à Key West à partir de 1928. Ce que l’on vit dans la vingtaine est acquis pour toujours. Ainsi, c’est à ce moment que son style de vie et son style littéraire se formeront et commenceront à se confondre. Si plus tard il aimera poser en victime de son image, c’est qu’il aura voulu oublier que c’est lui-même qui l’a patiemment construite et qu’il en a aussi beaucoup bénéficié. C’est ce croisement entre un personnage plus grand que nature — viril, opiniâtre, chasseur de gros gibier — et un écrivain au style direct mais sensible qui fera sa marque. Comme le note Philippe Sollers dans Éloge de l’infini, Hemingway est, malgré les apparences, un écrivain rempli de finesse. « La violence guette, la lutte, le sang, mais ce n’est pas une raison pour détourner son attention du temps qu’il fait, d’un feuillage qui bouge, d’un reflet. La guerre humaine se joue dans l’impassible nature qui l’absorbe, la relativise, la nie », écrit Sollers.

 

Dans les premières pages du Soleil se lève aussi, alors que Robert Cohn, tout juste arrivé à Paris, souhaite déjà repartir en voyage, le narrateur y va de cette mise en garde : « Écoute, Robert, changer de pays, ça ne sert à rien. J’ai essayé tout ça. Ce n’est pas parce que tu iras d’un endroit dans un autre que tu échapperas à toi-même. » Hemingway écrit cela à la mi-vingtaine, comme une prophétie sur sa vie et son œuvre. Dans les faits, il s’installe à Paris, mais cela ne l’empêchera pas de voyager à travers l’Europe pour ses reportages au Toronto Star, de retourner en Italie, de découvrir l’Espagne et les corridas, de faire l’aller-retour à New York pour signer son premier contrat d’édition avec la prestigieuse maison Scribner, la même que Francis Scott Fitzgerald, qui y publia Gatsby le Magnifique en 1925, un an avant Hemingway.

 

Le soleil se lève aussi présente des scènes de tranchées de 1918 en Italie qui seront plus tard au cœur de L’adieu aux armes. On y parcourt la Ville lumière que l’on retrouvera des décennies après dans Paris est une fête. Toute la deuxième partie du livre, où l’on visite l’Espagne et découvre les corridas, annonce Mort dans l’après-midi, publié en 1932, et tant d’autres textes encore. Le coup de foudre d’Hemingway pour l’Espagne le mènera sur le terrain 10 ans plus tard, lors de la guerre civile, et donnera le très beau Pour qui sonne le glas, publié en 1940. L’Italie, l’Espagne, Paris, c’est le terreau de toute son œuvre et de tous les thèmes à venir. Mais, plus encore, c’est la nature humaine qui est au cœur de son œuvre. Des hommes braves et simples luttant sans succès contre les éléments, inatteignables. « Peut-être, avec le temps, finit-on par apprendre quelque chose. Peu m’importait ce que c’était. Tout ce que je voulais, c’était savoir comment vivre. Peut-être, en apprenant comment vivre, pourrait-on finir par comprendre ce qu’il y a en réalité au fond de tout ça », écrit Hemingway dans Le soleil se lève aussi.

 

Hemingway en dit le moins possible. C’était un autre de ses préceptes d’écriture : soyez bref ! Il fait parler les personnages. Et, par les dialogues, on découvre leur nature — et leur solitude. Son écriture est en grande partie contemplative, par opposition à cette image d’homme instable qui bouscule tout sur son passage. « Si les paysages vous ennuient, c’est que la vie vous ennuie », disait le peintre David Hockney.

 

Comme s’il voulait par avance confondre les critiques, Hemingway admet que la passion des corridas peut choquer, et qu’il serait plus simple de garder ça pour soi. « Un secret à ne pas divulguer à des gens qui ne comprenaient pas », écrit-il dans Le soleil se lève aussi. Simone de Beauvoir aimait également la tauromachie. « Je trouve sans fondement les attaques dirigées au nom de la morale contre la boxe ou la tauromachie », écrit-elle dans La force des choses. « J’apprécie ces épreuves où l’homme engage son corps. » C’est qu’au-delà des affres de la guerre, très présentes dans le travail d’Hemingway, c’est beaucoup la question de la vérité du récit, de la chair, du corps, de la vie et de la mort, qui l’obsède. Hemingway ne craint pas de vivre dans la familiarité de la mort. Un peu comme si l’aboutissement de toute vie trouvait son sens dans la façon que nous aurons d’affronter la mort le moment venu. D’une certaine façon, Hemingway trouve dans la tauromachie une mise en scène métaphorique de la rencontre de l’homme et de la nature. Dans L’invention de la solitude, Paul Auster écrivait justement : « Car on ne peut pas écrire un seul mot sans l’avoir d’abord vu, et avant de trouver le chemin de la page, un mot doit d’abord avoir fait partie du corps, présence physique avec laquelle on vit. »

 

L’histoire d’Hemingway est celle d’un conquérant, toujours en route, inépuisable, instinctif. Celle d’une personnalité forte et complexe et d’un écrivain plus émotif qu’il n’y paraît. Celle d’un homme énergique pour qui ce sera de plus en plus difficile de trouver la paix nécessaire à l’écriture. Dans son discours de réception du prix Nobel de littérature, en 1954, après la parution du roman Le vieil homme et la mer, il soutient : « Écrire, c’est au mieux une vie solitaire. Un écrivain accomplit son œuvre dans la solitude et, s’il est suffisamment bon écrivain, il doit chaque jour faire face à l’éternité ou à l’absence d’éternité. »

 

Ernest Hemingway n’est plus à la mode. Grand bien lui fasse, rien de pire ne peut arriver à un écrivain que d’être à la mode. Ce qu’il voulait vraiment, c’était durer.

 

 

Hemingway, la nature et la mort

Il y a toujours une lutte chez Ernest Hemingway. Une lutte avec la nature, avec les mots. Une lutte contre soi-même, aussi.

Dominique Lebel

7 Décembre 2020

Photo : Ernest Hemingway Photograph Collection, John F. Kennedy Presidential Library and Museum, 1927

En automobile, Ernest Hemingway aime s’asseoir devant, côté passager. Il regarde partout, s’intéresse à tout, commente tout. Il a l’œil américain, comme disait Flaubert, ce regard perçant sur le territoire. En décembre 1951, en route vers Venise, il mettra cinq jours à faire le trajet entre Paris et Aix-en-Provence, qui devrait prendre une journée. Il veut constamment s’arrêter, revoir des lieux déjà visités. C’est que l’écrivain, que l’on sait fasciné par le courage des hommes, l’est tout autant par les paysages et la nature. Chaque fois, il y voit l’occasion de raconter des événements fondateurs de sa vie, comme son enrôlement dans la Croix-Rouge en Italie lors de la Première Guerre mondiale ou l’un de ses nombreux périples en Espagne durant la guerre civile. Hemingway décrit longuement ses déplacements à travers l’Espagne dans Mort dans l’après-midi. Ses grandes œuvres, comme Le soleil se lève aussi, L’adieu aux armes ou Pour qui sonne le glas, font la part belle aux descriptions de paysages de la France, de l’Italie et de l’Espagne. Le natif du Midwest américain ne cessera toute sa vie d’être envoûté à la fois par la grandeur et par le côté tragique de la nature.

 

La vie d’Hemingway le situait à la charnière du XIXe et du XXe siècle. S’il est né en 1899, ce n’est qu’en 1919, à la signature de l’armistice mettant fin à la Première Guerre, que le XXe siècle commence vraiment pour lui. Par ses passions — la chasse, la pêche, la vie militaire —, il demeure attaché au monde d’avant. Or, les traumatismes causés par la guerre le marqueront durablement, lui qui fut blessé aux jambes par un obus autrichien qui frappa la tranchée dans laquelle il se trouvait sur le front italien. Il ne s’en remettra jamais vraiment physiquement, mais sa confiance en lui et son courage s’en trouveront décuplés. C’est qu’il a su transformer l’épreuve en une sorte de sentiment d’invincibilité. Si l’on peut mourir, on peut aussi survivre.

 

Le destin, l’amour, la guerre : il y a toujours une lutte chez Hemingway. Une lutte avec la nature, avec les mots, une lutte pour gagner du temps afin d’écrire. Une lutte contre soi-même, aussi. Philippe Sollers disait que tous les écrivains décrivent un combat. Il cite Kafka : « Dieu ne veut pas que j’écrive, mais moi, je dois. » Hemingway doit écrire. C’est physique. C’est un écrivain parce qu’il écrit ; il écrit parce qu’il est écrivain. La possibilité de la mort est présente partout dans ses récits. Ça nous étonne et ça rappelle à quel point nous sommes devenus des êtres aseptisés. Ce que nous dit Hemingway, c’est que la vie, ce n’est pas de nier les difficultés ou de chercher à les gommer, à effacer l’histoire, si douloureuse soit-elle. Le vrai courage, c’est de faire face, et souvent d’abord à soi-même. Les personnages d’Hemingway cherchent des réponses dans l’action et non dans le discours. Ils allient force physique et force morale. Ils font face avec leurs mots, mais aussi, et peut-être surtout, avec leur corps. Ainsi, lorsque ce ne sera plus possible pour lui d’écrire, lorsque son énergie l’abandonnera et que les idées noires prendront toute la place, c’est vers la mort que l’écrivain se tournera. Comme son grand-père maternel — dont il empruntera le prénom —, qui tenta de se suicider alors que le jeune Ernest n’avait que 6 ans. Comme son père, qui passa à l’acte à 57 ans, en 1928, avec un fusil de la guerre civile américaine ayant appartenu à son propre père, Hemingway se tue avec un fusil de chasse en juillet 1961. Il s’achève comme une bête blessée. Il a 61 ans.

 

L’écriture est une lutte physique

Le biographe Gérard de Cortanze brosse ce portrait : « J’ai la profonde conviction qu’Ernest Hemingway reste un auteur mal connu. On ne voulut voir en lui qu’un géant chasseur de fauves, un correspondant de guerre rebelle, un dur à cuire pêcheur de monstres marins, un amateur de corridas, un boxeur primitif, un viscéral insatiable, un monument de virilité, violent et alcoolique. Cette panoplie réductrice ne le protégeait guère : sa légende faillit le dévorer. » En vérité, il marcha toute sa vie comme au bord d’un précipice. Comme si, chaque matin, il devait batailler avec les mots pour la dernière fois. On croit toujours que ceux qui réussissent ne sont que des gens à qui « tout réussit », mais c’était un homme plus fragile qu’il n’y paraît. Il avait cette angoisse de ne pas devenir le grand homme qu’il se sentait au fond de lui-même. Et c’est dans le travail qu’il chercha son salut. Il disait : « Si l’on écrit, il faut être le meilleur écrivain du monde. »

 

Hemingway avait un côté fétichiste. Ses trophées de chasse et de pêche étaient exposés dans sa maison de Key West, et surtout à Cuba. Il conservait ses brouillons, ce qui est rare chez les écrivains, qui ont tendance à vouloir effacer toutes traces de leur labeur. Il écrivait au crayon. Parfois à la machine à écrire, mais souvent d’abord au crayon. Il se corrigeait le lendemain. Puis, il retapait ses textes à la machine ou les faisait retaper. Il les retravaillait à la réception des épreuves préparées par l’éditeur. À partir de 1940, on le vit souvent sur les photos debout face à une machine à écrire. C’est cette image qu’il voulait qu’on garde de lui : l’homme debout, derrière sa Smith-Corona no 3, ce modèle qui se pliait en deux et qui était si léger qu’on pouvait le transporter dans une valise. Il estimait qu’écrire debout donnait plus de vitalité dans l’écriture. Chez Hemingway, l’écriture est physique, un combat, une lutte solitaire. Proust écrivait couché dans son lit, Hemingway écrirait debout !

 

Dans sa biographie de Jean-Paul Sartre, Annie Cohen-Solal raconte une visite de l’intellectuel français dans les années 1950 à la Finca Vigia, la maison de style colonial d’Hemingway près de La Havane, d’où l’on pouvait apercevoir la mer à l’horizon. Elle cite la dernière femme d’Hemingway, Mary Welsh : « Ils parlèrent comme des hommes d’affaires. Les deux écrivains discutèrent droits d’auteur, pourcentages, ventes à l’étranger et traductions, problèmes de milieu, pour tout dire. » C’est tout Hemingway ! C’est qu’il avait en horreur les conversations conceptuelles, lui qui aimait provoquer en opposant le travail d’écrivain à celui d’intellectuel. Il se voyait comme un artisan, même s’il avait tout lu — avec sa bibliothèque de plus de 5 000 livres — et était beaucoup plus avisé qu’il aimait le laisser paraître.

 

La tauromachie, un combat entre l’homme et la nature

La nature chez Hemingway, c’est ce qui nous relie les uns aux autres et à nous-mêmes. Dès les années 1920, lors de son premier séjour prolongé à Paris, il découvre la tauromachie, telle qu’elle se pratique alors en Espagne. C’est Gertrude Stein, qui tenait un salon très couru de Paris dans l’entre-deux-guerres, qui l’initie. Auprès d’elle, il cultive son image d’écrivain sûr de lui et il fraternise notamment avec F. Scott Fitzgerald. Mais les corridas le marquent plus que tout. Elles viennent structurer sa vision du combat entre l’homme et la nature. Une vision qu’il intègre également dans ses récits de chasse et de pêche.

 

Dans les années qui suivront, il ira des dizaines de fois en Espagne et aura tôt fait d’être considéré comme un connaisseur, un aficionado, par les toréros eux-mêmes. À tel point que Mort dans l’après-midi, publié en 1932, s’apparente parfois davantage à un précis de tauromachie qu’à un récit autobiographique. Il faut dire que les corridas ont tout pour le séduire : le face-à-face de l’homme et de l’animal, l’art et la violence tout à la fois, la part épique de la vie, la mort toujours possible. Dans les corridas, il y a une arrogance devant la mort. L’arrogance de ceux qui font face. « Hemingway faisait de la littérature comme de la tauromachie », disait Michel Leiris.

 

La nature le rattache aussi à sa jeunesse, lorsqu’il allait à la chasse et à la pêche dans le comté de Charlevoix au Michigan avec son père, à ses traditions et à sa vérité. La nature et l’écriture ne font qu’un pour lui. Elles sont toute sa vie. Hemingway n’a jamais voulu « perdre de vue la face du taureau », pour reprendre une expression tauromachique qui était chère à Primo Levi et qui signifie qu’on ne doit pas tourner le dos à son passé. On le sait, Hemingway préféra mourir dans les grands espaces de l’Idaho, qui lui rappelaient la nature de sa jeunesse, plutôt que de devenir un étranger pour lui-même. Lui qui sentait la mort par-dessus son épaule à chaque instant aura laissé une œuvre inestimable, et aura ainsi survécu à tout, même à son départ.

 

 

 

 

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