vineri, 2 aprilie 2021

Disparitia lui Joseph Mengele // Carti si filme

 


Olivier Guez achève le docteur Mengele

En 1945, le docteur Mengele échappe miraculeusement aux Alliés. Avec la complicité de sa famille propriétaire d'une prospère multinationale de tracteurs agricoles, il gagne l'Argentine où se reconstitue au grand jour une « nazi society ». Les plus acharnés croient dur comme fer qu'un quatrième Reich peut revenir en Allemagne. Les autres vivent avec leurs souvenirs, parfois leurs remords, jamais leur culpabilité. Quand la pression internationale s'accentue et que le Péronisme bat de l'aile, le terrifiant docteur part pour la Bolivie puis le Brésil où il décédera en 1979. Au fil des ans sa santé se dégrade, sa paranoïa galope, sa lucidité s'estompe, mais jamais il ne regrette ses actes, ni ses expériences, ni les milliers (ou dizaines de milliers) de morts pour lesquels il fut le bourreau.

La Disparition de Josef Mengele, d’Olivier Guez (Grasset, 237 pages, 18,50 €).© DR

Olivier Guez écrit et décrit dans La Disparition de Josef Mengele (éd. Grasset) les moindres détails de cette fascinante descente aux enfers. Les premières années, son héros porte beau. Les années passant, il sombre dans la dépression, la solitude et la misère. L'exploit de l'auteur que les lecteurs du Point connaissent bien est de tenter de nous donner quelques armes pour atténuer la haine que l'on peut nourrir pour le monstre d'Auschwitz. Si seulement celui-ci avait reconnu ses fautes, avoué ses excès, confessé ses expériences ! Mais rien ne vient. Même au soir de sa vie, face à son fils venu tenter de comprendre qui est ce père si encombrant, Josef assume tout et n'esquisse pas l'once d'une excuse. Une fresque fascinante et magnifiquement, tout autant que cruellement, restituée.

La Disparition de Josef Mengele, d'Olivier Guez (Grasset, 2017, 237 pages, 18,50 €).

=======================================================


                 Olivier Guez, Disparitia lui Josef Mengele,  METEOR PRESS, 2019
 

Lucrarea de fata, distinsa cu premiul Renaudot 2017, prezinta goana celui poreclit „Ingerul Mortii”, infamul doctor nazist Josef Mengele, care a socat prin atrocitatile lui o lume intreaga. La fel ca si Cain, este blestemat sa rataceasca in lume si sa nu-si gaseasca niciodata linistea, fugind din ascunzatoare in ascunzatoare. Fie ca se afla in Buenos Aires, in Argentina lui Peron, in Paraguay sau Brazilia, vanatoarea de nazisti il inspaimanta mereu, neputand sa mai revina nicicand la o viata normala.
 
Protejat de bogatia familiei, de fosti nazisti, de dictatori de opereta, reuseste sa se ascunda vreme de treizeci de ani in vazul lumii. Cu toate acestea, este condamnat la o singuratate eterna pentru crimele abominabile comise, chiar fiul sau, Rolf, ajungand sa-l renege in final. O carte-eveniment, menita sa aminteasca ce se intampla cu cei care nu pun pret pe viata semenilor lor.
 
Olivier Guez este jurnalist, autor si scenarist francez, castigator in 2016 al premiului german pentru cel mai bun scenariu pentru filmul Statul contra Fritz Bauer.
======================================================
L'ÉTAT CONTRE FRITZ BAUER, Film, 2015


L'ÉTAT CONTRE FRITZ BAUER

Lars Kraume - Allemagne - 2015 - vost - 105' - Couleurs - Numérique

En 1957, le juge Fritz Bauer apprend qu'Adolf Eichmann se cache à Buenos Aires. Les tribunaux allemands préfèrent tourner la page plutôt que le soutenir. Fritz Bauer décide alors de faire appel au Mossad, les services secrets israéliens…

CRITIQUE

Fritz Bauer donc. procureur général à Francfort certes, mais aussi juif et homosexuel. Pas très bien vu dans la RFA d’alors qui n’avait toujours pas aboli le fameux paragraphe 175 du Code civil, acharné à punir sévèrement les relations dites contre nature. 

Dans le collimateur de l’auteur, l’administration Adenauer infestée d’anciens nazis, recyclés à des postes clés. Le secrétaire d’État ? Un ancien membre du parti national-socialiste ! Le chef de la police ? Tel cadre de Mercedes ? Même engeance. Tous attelés à enterrer ce qui pourrait entacher l’image de la reconstruction. Au placard Rosa Luxembourg ! Vive la restauration, dût-elle étouffer la révolution.

Intimement liées, petite et grande Histoire, héros réels et personnages de fiction, faits historiques et virages romanesques liés à l’atmosphère délétère et au climat de paranoïa ambiants.

Une leçon d’Histoire dénuée de dogmatisme. Le portrait d’un homme en colère qui n’avait de cesse de confronter le peuple allemand à son passé. Un film de combat, un de ces plaidoyers pour l’insoumission, si utiles de nos jours, lorsque la tyrannie revient pointer son vilain museau. Un récit-enquête mené comme un polar de série B, naviguant entre ombre et lumière. Légèrement trouble, constamment efficace. Filmé et photographié avec soin. Du cinéma utile, comme on aimerait en voir plus souvent.PHL, La Voix du Nord

INFOS

Titre original:Der Staat gegen Fritz Bauer / Titre français:L'état contre Fritz Bauer

Réalisation:Lars Kraume / Scénario:Lars Kraume,Olivier Guez

Image:Jens Harant / Musique:Julian Maas,Christoph Kaiser

Avec:Burghart Klaussner,Ronald Zehrfeld,Lilith Stangenberg,Jörg Schüttauf,Sebastian Blomberg,Michael Schenk

Durée:105' / Pays:Allemagne / Année2015

L’état contre Fritz Bauer 

Écrit par Carole-Lyne Klay

8 juin 2016

A la fin des années 50 le juge allemand Fritz Bauer veut que les anciens nazis soient retrouvés et jugés. Mais certains sont protégés, recevant l’appui de personnes haut placées dans la police, voire sont eux-mêmes dans les administrations sans être inquiétés. L’Allemagne est alors partagée entre son envie de vengeance envers les nazis ou de passer à autre chose. Alors que ses enquêtes n’avancent guère, le juge, dont le travail est toute sa vie et qui ne cherche pas à être apprécié de ses collègues, reçoit une lettre d’Argentine l’informant qu’Adolf Eichmann y aurait trouvé refuge… Drame maîtrisé du début à la fin, Lars Kraume a su mettre la bonne distance entre chaque protagoniste d’un film parfois glaçant, car chaque personnage fait preuve d’un grand sang-froid. Il questionne le spectateur en ces temps de controverses mémorielles et de montée de l’extrême droite.

Synopsis

Dans ce film d’espionnage où tout est vrai, le réalisateur allemand Lars Kraume met en lumière l’action exemplaire d’un homme aujourd’hui oublié, qui a trahi son pays dans l’espoir que la justice l’emporte enfin.

Juif, homosexuel et ancien déporté, Alfred Bauer est nommé en 1956 procureur général du Land de Hesse. Il n’a alors de cesse de contraindre ses compatriotes à se confronter à leur passé nazi.

Quand Bauer apprend qu’Eichmann se cache en Argentine, il s’échine à le faire arrêter. Se méfiant de la justice d’une Allemagne fédérale alors en pleine reconstruction économique (souvent menée par d’anciens SS), il se résout à livrer ses informations au Mossad…(Vincent Adatte)

==========================================================

Eichmann, Bauer et la mémoire retrouvée de l’Allemagne


CINÉMA

Passionnant thriller historique, «L’État conte Fritz Bauer» de Lars Kraume remet en lumière la figure de ce procureur tombé dans l’oubli alors même qu’il fut le précurseur du «travail de mémoire» allemand sur son passé nazi

«L’Etat contre Fritz Bauer», une œuvre grand public, adulte, habile et captivante, qui pourrait bien influer de manière décisive sur la perception d’une époque. — © Martin Valentin Menke

Prix du public au festival de Locarno l’an dernier et grand triomphateur des Lolas – les Césars allemands – dans la foulée, exactement comme «La Vie des autres» dix ans plus tôt, «L’État contre Fritz Bauer» de Lars Kraume est un nouveau film allemand à marquer d’une pierre blanche. Pas dans le sens de l’apparition d’un style novateur ou d’un cinéaste de génie.

Mais dans celui d’une œuvre grand public, adulte, habile et captivante, qui pourrait bien influer de manière décisive sur la perception d’une époque. En l’occurrence l’Allemagne des années 1950 vouée à la réconciliation par l’oubli prônée par le chanceler Konrad Adenauer. Considéré rétrospectivement, une nécessité pour permettre la reconstruction d’un pays en ruines mais aussi un scandale moral qui devait un jour prendre fin. D’où l’importance de la figure de Fritz Bauer, celui par qui la bascule arriva, précurseur de toute une jeune génération indignée des années 1960-70.

Biopic tardif, «L’Etat contre Fritz Bauer» est sorti en France en avril sous le titre plus volontariste de «Fritz Bauer, un héros allemand», salué par des critiques mesurées hésitant entre respect et réserves d’usage pour cause d’«académisme». Foin de pusillanimité! Dans une mise en scène certes classique mais parfaitement accordée au sujet, c’est en réalité un de ces films qui font doublement plaisir à voir: parce qu’ils savent divertir tout en instruisant – au même titre que «Le Pont des espions» de Steven Spielberg ou le «Hannah Arendt» de Margarethe von Trotta, par exemple.

Le traqueur secret d’Eichmann

On pense inévitablement à ce dernier, centré sur le procès Eichmann et l’élaboration du concept de «banalité du mal», en découvrant ce film qui raconte quant à lui la traque à l’organisateur de la «solution finale». Juif rentré de l’émigration en 1949 et devenu en 1956 procureur général du Land de Hesse, Fritz Bauer fut en effet l’un des premiers «chasseurs de nazis». On n’apprit que dix ans après sa mort que c’est lui qui, en «traître à la patrie», livra secrètement Eichmann aux services secrets israéliens pour permettre son enlèvement et son jugement.

===============================================Jan Le Bris de Kerne  11 septembre 2018  EntretiensLes mains dans les pochesLivresRentrée littéraire 2018

Olivier Guez : « Je suis obsédé par les après-guerres » (La Disparition de Josef Mengele)
 Olivier Guez

La disparition de Josef Mengele plonge avec brio dans l’intimité d’un monstre nazi en cavale en Amérique du Sud, en entrant dans le détail du quotidien d’abord flamboyant puis sordide du « médecin » d’Auschwitz, Olivier Guez met en lumière les complicités et la corruption des entourages et des états, tout comme la médiocrité et la banalité de Mengele. Le criminel nazi a échappé à la justice des hommes pendant près de quarante ans, mais aura tout de même été châtié ici-bas, en s’auto-dévorant. Retour sur le livre d’Olivier Guez, prix Renaudot 2017, vient de sortir au Livre de Poche.
L’Ange de la mort, comme on l’appelle, a exercé une fascination troublante. De son vivant à Auschwitz, plus tard lorsqu’il a pu fuir et disparaitre, et bien encore après sa mort, lorsque le monde a découvert l’ignominie de ses activités. Le docteur Mengele, sinistre médecin ayant infligé sans relâche les pires souffrances à des milliers d’êtres déportés dans le camp de la mort, au nom de l’expérimentation médicale et de l’amélioration de la race aryenne, n’était pourtant qu’un misérable et obscur capitaine SS, issu de la bonne bourgeoisie bavaroise, lâche, froid et obsessionnel, et n’ayant pu se cacher en Amérique du Sud tant d’années après la fin de la seconde guerre mondiale, que grâce à l’argent que déversait sa riche famille.

Si La disparition de Josef Mengele traite magistralement des années inconnues, celles de la cavale du monstre d’Auschwitz, il ne fait pas l’impasse sur ses agissement dans le camp de la mort. Olivier Guez cite plusieurs témoignages comme celui de l’assistant Nyszli, juif enrôlé de force par Mengele : « Mengele est infatigable dans lexercice de ses fonctions. Il passe des heures entières plongé dans le travail, tantôt debout une demi-journée devant la rampe juive où arrivent déjà quatre, cinq trains par jour chargés de déportés de Hongrie… Son bras s’élance invariablement dans la même direction : à gauche. Des trains entiers sont envoyés aux chambres à gaz et aux bûchers… Il considère lexpédition de centaines de milliers de juifs à la chambre à gaz comme un devoir patriotique. Dans la baraque dexpérimentation du camp tzigane, « on effectue sur les nains et les jumeaux tous les examens médicaux que le corps humain est capable de supporter. Des prises de sang, des ponctions lombaires, des échanges de sang entre jumeaux, dinnombrables examens fatigants, déprimant, in vivo ». Pour l’étude comparative des organes, « les jumeaux doivent mourir en même temps. Aussi meurent-ils dans une des baraques du camp dAuschwitz, dans le quartier B, par la main du docteur Mengele ». Il leur injecte une piqûre de chloroforme dans le cœur.
() Nyszli décrit son zèle maniaque dans la salle de dissection du crématorium jusqu’à lautomne 1944, alors que lAllemagne a déjà perdu la guerre. () il reste des heures à côté de moi parmi les microscopes, les études et les éprouvettes, ou bien debout des heures entières près de la table de dissection avec une blouse maculée de sang, les mains ensanglantées, examinant et recherchant comme un possédé. () Les parois des murs résonnent des cris de morts et du crépitement des balles tirées à bout portant. Cest ici que le docteur Mengele vient se détendre après chaque sélection et chaque feu dartifice. Cest ici quil passe tous ses loisirs et dans cette ambiance dhorreur avec une folie froide, fait ouvrir par moi les cadavres de centaines dinnocents envoyéà la mort ». 

Mengele

Olivier Guez s’est fait une spécialité des « après-guerres », périodes troubles et incertaines qui le fascinent. Alors qu’il travaillait sur les années de cavale de Adolf Eichmann, l’un des principaux organisateurs de la solution finale, il tombe à de nombreuses reprises sur des références à Josef Mengele. Les deux nazis se croisent en effet à de multiples occasions en Argentine, et fréquentent les mêmes cercles d’allemands orphelins nostalgiques du Troisième Reich. Mais Eichmann est une huile du régime nazi, au contraire du prétentieux Mengele. D’ailleurs lorsqu’on les présente, son nom ne lui dit rien.

Des capitaines, des médecins SS, le grand ordonnateur de lHolocauste en a croisé des centaines et des milliers. Mengele est un exécuteur des basses œuvres, un moustique aux yeux dEichmann, qui le lui fait bien sentir, lors de cette première rencontre, prenant soin de lui rappeler son éblouissant parcours au sommet des arcanes du Troisième Reich, le poids écrasant de ses responsabilités, sa puissance: « Tout le monde savait qui j’étais ! Les juifs les plus riches me baisaient les pieds pour avoir la vie sauve. »

Eichmann est bientôt kidnappé par un commando du Mossad après une longue traque, jugé en Israël au court d’un retentissant procès et exécuté. Pas Josef Mengele. Olivier Guez se penche alors avec minutie sur le destin de cet homme, que le public a érigé en une incarnation maléfique démoniaque, impressionné à la fois par l’étendue de sa monstruosité et par son apparence, d’une beauté glaçante et soignée. Son surnom d’« Ange de la mort », ainsi que son évaporation quasi surnaturelle aux yeux de l’opinion publique, les nombreuses fausses légendes qui l’entourent, comme par exemple celle qui voudrait que Mengele ait réussi à mettre en pratique ses recherches sur la gémellité, en permettant à des villages brésiliens de donner naissance à des centaines de jumeaux ou encore à des fermiers de doubler leur cheptel de vaches par le même procédé, tous ces faits fantasmés, ont hypnotisé les gens et anesthésié leur perception. La réalité du docteur Mengele est bien plus prosaïque, banale, minable même. Trop décevante peut-être pour nos sociétés occidentales, qui dès-lors qu’elles trouvent en leur sein un bourreau dont la barbarie dépasse l’entendement, préfèrent s’empresser de l’extraire, de le déshumaniser, quitte à en faire une divinité maléfique. Olivier Guez récuse avec force cette transfiguration de Mengele, qui au contraire n’est qu’un homme parmi les autres, bien plus normal que ce qu’on voudrait, tragiquement humain en fait, obéissant aux ordres, faisant sa petite carrière, endoctriné, vaniteux et indifférent à la souffrance qui l’entoure.
Comme tant d’autres bourreaux nazis et comme Adolf Eichmann pendant son procès, Mengele, aveuglé jusqu’au bout, se voit en exécuteur des ordres, obéissant et oeuvrant pour la grandeur de l’Allemagne, rien de plus. (...)

Articolul integral:

https://diacritik.com/2018/09/11/olivier-guez-je-suis-obsede-par-les-apres-guerres-la-disparition-de-josef-mengele/

Dr. Mengele (al doilea din stanga)

Dr.Mengele (al doilea din stanga, impreuna cu sefi de lagare)
------------------------------------------------------------------



Comment certains sbires d'Hitler ont-ils échappé à la justice après la chute du III Reich ? Pour la première fois, les filières d'évasion, et les responsabilités du Vatican, de la Croix-Rouge et de la CIA sont dévoilées.


Entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et le début des années 1950, plusieurs dizaines de criminels de guerre nazis sont parvenus à fuir l'Allemagne et à échapper à la justice internationale. Quelles filières ont-ils suivi ? De quelles complicités ont-ils joui ? Où ont-ils trouvé refuge ? Gerald Steinacher démêle ici le vrai du faux, laissant de côté fantasmes et théories du complot, pour nous offrir un récit saisissant de la fuite des séides de Hitler les plus convaincus, ou les plus compromis.
Le résultat de son enquête est édifiant : les filières d'évasion passent par le Tyrol, pour rejoindre ensuite les ports italiens et, au-delà, le continent sud-américain. Les fugitifs – Adolf Eichmann, Josef Mengele ou encore Klaus Barbie – bénéficient de papiers d'identité de la Croix-Rouge, du soutien du Vatican et de la protection de la CIA. C'est que, dans le cadre de la guerre froide en gestation, les puissances occidentales d'après-guerre avaient de nombreuses motivations pour exfiltrer d'anciens nazis, de la pénurie de personnel de renseignements à la lutte contre le " communisme athée ". Par cette enquête passionnante, où la réalité dépasse souvent la fiction, l'auteur retrace avec finesse ce moment d'histoire effarant.

=================================================================

 

Recension Histoire

L’enquêteur, le nazi et son fils

À propos de : Philippe Sands, The Ratline. Love, Lies and Justice on the Trail of a Nazi Fugitive, Weidenfeld & Nicholson / La Filière, Albin Michel 2020.


par Étienne Augris , le 23 septembre 2020


L’avocat Philippe Sands, petit-fils de Juifs persécutés, a enquêté sur le personnage d’Otto von Wächter, Autrichien SS et gouverneur de Cracovie pendant la guerre, avec l’aide du fils de ce dernier.

Après le succès de Retour à Lemberg en 2017, Philippe Sands, avocat franco-britannique et professeur de droit à Londres, poursuit dans The Ratline son enquête sur les traces du génocide en Galicie. Personnage secondaire de son livre précédent, Otto von Wächter (1901-1949), SS et gouverneur de Cracovie de 1939 à 1942 puis de Galicie jusqu’en 1944, devient ici le personnage principal. Même s’il mentionne la famille de son grand-père, engloutie dans la Shoah, Philippe Sands s’éloigne de sa quête, celle de la troisième génération, qu’il entremêlait si bien avec les notions naissantes de génocide et de crime contre l’humanité.


La recherche de la vérité

Une mémoire familiale d’un autre type est au cœur de ce nouvel ouvrage, qui n’aurait pu exister sans la relation particulière qu’il a nouée avec l’Autrichien Horst von Wächter, fils d’Otto. Si la mémoire autrichienne du nazisme a évolué depuis les années 1980, l’affaire Waldheim et le constat amer alors dressé par l’écrivain Thomas Bernhard (« Il y a aujourd’hui plus de nazis à Vienne qu’en trente-huit »), Horst admet, lors d’un débat à Londres, que « ce genre de discussion serait impossible en Autriche où nous ne savons rien et ne voulons rien savoir » (p. 64).


Assez fréquente pour l’Allemagne, cette enquête familiale est plus rare pour un personnage de haut rang en Autriche, où un statut de « victime » du nazisme a été octroyé au pays par les Alliés dès 1943. L’adhésion totale de ses parents au nazisme ne fait aucun doute pour Horst, mais il recherche la vérité, ce qui est moins le cas pour les autres membres de sa famille.


L’ensemble de l’ouvrage, exploration des articulations entre responsabilités individuelle et collective, est traversé par cette quête du degré d’implication de Wächter dans les crimes commis par les nazis à Vienne, à Cracovie et en Galicie. Son fils et Sands, malgré moult raisons de s’opposer, unissent le plus souvent leurs efforts en une dialectique féconde, pleine de rebondissements. Horst est aidé par les vides des archives familiales (expurgées ?) ou officielles, qui ne comportent pas d’ordre direct signé de mise à mort.


C’est tout le talent de Sands que de parvenir à obtenir l’accès aux photos, journaux et lettres familiaux, sans montrer aucune complaisance. Il arrive sans doute au bon moment et accomplit ce travail de manière remarquable, avec la complicité active de Horst, qui enquête à décharge. La relation entre un fils de nazi et un petit-fils de Juif persécuté est l’une des intrigues puissantes de l’ouvrage, déjà présente dans le film de 2015.


Horst n’a de cesse d’apporter la preuve de l’« humanité » de son père, qu’il a peu connu, mais dont il défend la mémoire par fidélité à sa mère Charlotte, morte en 1985. On pense de nouveau à Bernhard et à son image « des pères morts ou consciencieusement dénués de conscience ». Horst recherche ce lien avec Sands et exprime parfois de la honte. Mais son regard sur le passé reste entravé par cette cécité volontaire et obstinée sur les crimes de son père. Comme le dit justement Welzer,


un passé marqué comme criminel sur le plan de la culture publique du souvenir doit être mis en accord avec une mémoire familiale qui, compte tenu des exigences de cohérence, d’identité et de loyauté réciproque, contraint chaque membre à maintenir et à prolonger la « bonne histoire » de la famille.

Une carrière de nazi

Sands ne s’érige pas en historien, mais fait bien œuvre d’historien, en partant de l’histoire du couple Wächter. Il déploie toute la perspicacité et les méthodes qu’il utilise habituellement pour mener des enquêtes en matière de crime contre l’humanité (il plaide régulièrement à La Haye). On peut regretter que les aspects juridiques soient peu abordés ici. Il eût été intéressant d’insister sur la nature exacte des crimes au regard du droit.


Wächter, fils d’un officier austro-hongrois issu d’une famille récemment anoblie, est de la « génération de la guerre », trop jeune pour avoir combattu en 1914-1918, mais marquée par le conflit, dans un pays qui a changé de taille et de statut. Il fait partie de ces Autrichiens profondément antisémites et tôt gagnés à la cause nazie, dès 1923, qui luttent contre la République. Devenu avocat, il participe au complot contre le chancelier Dolfuss en 1934.


Obligé de fuir en Allemagne nazie, il renonce à la religion catholique, rencontre Himmler et Heydrich et travaille au SD. Il fait naturellement partie des nouveaux cadres du pays après l’Anschluss. Sands nous restitue l’atmosphère délirante à l’arrivée d’Hitler, grâce au journal de Charlotte qui y narre « le plus beau moment » de sa vie (p. 60).


Dans ses nouvelles fonctions, il côtoie d’autres nazis éminents : Seyss-Inquart et Eichmann, ainsi que ses anciens camarades du Deutsche Klub, Kaltenbrunner, Fischböck et Globocnik. Dans cette euphorie, la famille s’agrandit, avec la naissance d’Horst Arthur le 14 avril 1939 (qui porte les prénoms du « martyr » nazi Horst Wessel et de son parrain Seyss-Inquart) et occupe une villa spoliée à des Juifs.


Les crimes du baron Wächter

Au début de la guerre, Wächter devient gouverneur de Cracovie sous l’autorité de Hans Frank, gouverneur général pour toute la Pologne non annexée. À Bochnia en décembre 1939, il fait exécuter des otages civils, crime de guerre avéré, et est présent sur les lieux (« demain je dois faire fusiller 50 Polonais »). À Cracovie, il impose un signe distinctif aux Juifs, les enferme en 1941 dans un ghetto dont sa femme loue l’esthétique de l’enceinte. Comme à Vienne, il épure l’université de nombreux professeurs polonais, dont des Juifs. Beaucoup mourront en déportation.


La relation haineuse de Wächter avec Krüger est un aspect évoqué, mais qui aurait sans doute mérité plus d’attention. Le classer, en début d’ouvrage, comme « camarade » de Wächter semble peu approprié. Dans sa biographie, Nicolas Patin consacre quelques pages à leurs désaccords. L’exploration de la nature de leur différend et des responsabilités de chacun dans le massacre des Juifs aurait sans doute permis de mieux cerner le rôle exact de l’administration civile, dirigée par Wächter. Étant lui-même SS, mais servant dans l’administration, il n’a pas eu le même rôle que son camarade Globocnik, chef de la SS et de la police (SSPF) de Lublin et exécutant direct de la mise à mort.


D’après Horst, Wächter n’a pas participé au génocide. C’est bien sûr faux, tant la complémentarité entre la SS et l’administration civile est flagrante. La mauvaise relation avec Krüger ne gêne pas le processus, si l’on en croit le rapport remis par Katzmann, SSPF à Lemberg, le 30 juin 1943. Celui-ci a travaillé en bonne intelligence avec Wächter pour mener à bien la « solution au problème juif » en Galicie, annoncée à Lemberg en 1942 par Frank en présence de Wächter, et dresse le bilan de plus de 400 000 juifs « évacués », c’est-à-dire assassinés.


En croisant les documents officiels et les lettres échangées avec sa femme, Sands démontre que Wächter non seulement savait, mais participait à un système et à une logique auxquels il n’a jamais cherché à échapper. Un écrit d’Himmler mentionne sa proposition, refusée par Wächter, d’occuper un poste moins exposé, à Vienne, au plus fort des « Aktionen » contre les Juifs en 1942. Autre document accablant, la correspondance intime entre Charlotte et Otto. Le 28 août 1942, en plein cœur de l’« action Reinhardt » en Galicie, il écrit à sa femme : « Les Juifs sont en train d’être déportés en nombre grandissant, et il est difficile de trouver de la terre battue pour le court de tennis. » (p. 97).


À Lemberg (aujourd’hui Lviv en Ukraine), Wächter est aussi à l’origine de la création, à l’été 1943, de la division SS Galizien, composée d’Ukrainiens. Une commémoration des anciens de cette division, organisée en 2014 en lien avec l’extrême droite ukrainienne, donne lieu à une rencontre surréaliste. Sands y croise des hommes qui vénèrent encore Wächter et mesure l’aveuglement de Horst qui y voit un argument en faveur de la « décence » de son père.


La fuite et la mort

La dernière partie de l’ouvrage, sans doute la plus originale et la plus méthodique, est consacrée à l’après-guerre. Il y a en effet un mystère à résoudre, celui de la mort de Wächter à Rome en juillet 1949. Sands cherche à lever toutes les incertitudes et est très convaincant. Après s’être caché plusieurs années en Autriche, Wächter est contraint de partir en Italie. Il est aidé par la Commission pontificale pour l’Aide aux réfugiés, dont la branche autrichienne est dirigée par l’évêque Aloïs Hudal, ancien sympathisant nazi. Il permet à de nombreux nazis (Franz Stangl, commandant de Treblinka) de fuir vers l’Argentine, où Perón est disposé à les accueillir.


C’est cette «  ratline », route d’exfiltration des nazis, qui donne son nom au livre. La mort de Wächter et la révélation dans la presse de l’aide reçue par Hudal contraignent le Vatican à s’en distinguer officiellement. L’ouverture les archives du Pontificat de Pie XII (1939-1958) depuis mars 2020 permettra sans doute de mieux cerner le rôle de cette commission, la provenance de l’argent et le degré d’implication de Pie XII, ami de Hudal.


Sands nous introduit au rôle complexe des services secrets américains et soviétiques au début de leur confrontation. Il met en évidence l’action du CIC américain qui, loin de mener la traque des nazis en fuite, cherche à les recruter contre les communistes. Il parvient à retracer les derniers contacts de Wächter avec le nazi Karl Hass. Celui-ci travaille, avec Hudal, pour le CIC et peut être aussi… pour les Soviétiques.


Philippe Sands, The Ratline. Love, Lies and Justice on the Trail of a Nazi Fugitive, Londres, Weidenfeld & Nicholson, 2020. Traduction française par Astrid von Busekist : La filière, Albin Michel 2020.

par Étienne Augris, le 23 septembre 2020

===================================

 Film

FILM 2014
        Im Labyrinth des Schweigens- In labirintul minciunilor

 Labyrinthe du silence (Im Labyrinth des Schweigens) est un film dramatique historique allemand coécrit et réalisé par Giulio Ricciarelli, sorti en 2014.

Synopsis

Francfort-sur-le-Main 1958. Le jeune procureur Johann Radmann recherche des pièces décisives sur les camps de la mort d'Auschwitz. Le film s'inspire de ce que l'on a appelé le « Second procès d'Auschwitz ». Ce procès visait 22 membres de la direction du camp et s'est déroulé entre  et .

Le personnage de Johann Radmann s'inspire de trois procureurs réels : Joachim KüglerGeorg Friedrich Vogel et Gerhard Wiese (de). Des protagonistes ayant réellement existé, dont le procureur général Fritz Bauer, le journaliste Thomas Gnielka (en) et Hermann Langbein ancien déporté et lien avec des témoins, y sont également incarnés1.

Radmann réussit à inculper plusieurs criminels nazis, dont Robert Mulka (l'adjoint du commandant du camp) et le dernier commandant, Richard Baer, mais il échoue à faire arrêter Josef Mengele. Dans le même temps, Fritz Bauer s'adresse au Mossad pour organiser la capture d'Adolf Eichmann.

Le Labyrinthe du silence



Titre originalIm Labyrinth des Schweigens
RéalisationGiulio Ricciarelli
ScénarioElisabeth Bartel
Giulio Ricciarelli
Acteurs principaux

Alexander Fehling
Johannes Krisch
Friederike Becht
Johann von Bülow

Sociétés de productionClaussen + Wöbke + Putz Filmproduktion
Naked Eye Filmproduction
Pays d’origineDrapeau de l'Allemagne Allemagne
GenreDrame historique
Durée120 minutes
Sortie




2014









Niciun comentariu:

Trimiteți un comentariu