Constantine Cavafy
Constantin Cavafy ou Cavafis, connu aussi comme Konstantinos Petrou Kavafis, ou Kavaphes (en grec Κωνσταντίνος Πέτρου Καβάφης), est un poète grec né à Alexandrie en Égypte le 29 avril 1863 et mort dans la même ville le 29 avril 1933. Très peu connu de son vivant, il est désormais considéré comme une des figures les plus importantes de la littérature grecque du xxe siècle. Il fut fonctionnaire au ministère des travaux publics d'Alexandrie, journaliste et courtier à la bourse d'Alexandrie.
"Il n'a pas, comme Verlaine, réservé son inspiration érotique à un petit nombre de poèmes ; ni, comme Cocteau, caché dans un tiroir le récit de ses amours ; ni, comme tant d'autres, tenté de séduire le public par des mensonges en accord avec le goût dominant. Il n'a pas non plus, comme Whitman, noyé sa passion des corps virils dans une exultation démocratique et républicaine du "compagnonnage" universel. Cavalfy est à ce jour le plus grands des poètes homosexuels, justement parce qu'il a eu le courage d'être uniquement, exclusivement, poète homosexuel, sans concessions, à l'opinion, sans faux-fuyants, sans justifications : exaltant la beauté des jeunes hommes et la joie de la possession, "sans honte absurde quant au genre de plaisir." "Dominique Fernandez, Le Rapt de Ganimède, Grasset, p.256)
Autant qu’il te sera possible
Et si tu ne peux mener ta vie comme tu le désires,
essaye au moins ceci, autant
qu’il te sera possible : ne l’avilis pas
dans un trop grand commerce avec le monde,
dans tout ce mouvement, tous ces discours.
Ne l’avilis pas, en l’exposant –
en la traînant ainsi et la compromettant –
à la sottise quotidienne
des relations et des fréquentations,
jusqu’à en faire une étrangère fastidieuse
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Traduit du grec par M Yourcenar et Constantin Dimaras
Tu dis : « J’irai vers d’autres pays, vers d’autres rivages. Je finirai bien par trouver une autre ville, meilleure que celle-ci, où chacune de mes tentatives est condamnée d’avance, où mon cœur est enseveli comme un mort. Jusqu’à quand mon esprit résistera-t-il dans ce marasme ? Où que je me tourne, où que je regarde, je vois ici les ruines de ma vie, cette vie que j’ai gâchée et gaspillée pendant tant d’années.»
Tu ne trouveras pas de nouveaux pays, tu ne découvriras pas de nouveaux rivages. La ville te suivra. Tu traîneras dans les mêmes rues, tu vieilliras dans les mêmes quartiers, et tes cheveux blanchiront dans les mêmes maisons. Où que tu ailles, tu débarqueras dans cette même ville. Il n’existe pour toi ni bateau ni route qui puisse te conduire ailleurs. N’espère rien. Tu as gâché ta vie dans le monde entier, tout comme tu l’as gâchée dans ce petit coin de terre. »
Ithaque – Constantin Cavafy (1863-1933)
Garde toujours Ithaque en ta pensée.
Y parvenir est ta destination ultime.
Mais ne te hâte point dans ton voyage ;
Mieux vaut qu’il dure de longues années,
et que, vieillard, enfin tu abordes dans l’île,
riche de ce que tu auras gagné sur ton chemin,
sans espérer qu’Ithaque t’offre des richesses.
Ithaque t’a donné le beau voyage,
sans elle, tu ne te serais pas mis en route,
Ithaque n’a plus rien à te donner.
Et, quoique pauvre, elle ne t’aura point déçu.
Car, devenu sage, riche de tant d’expérience,
tu as, certes, dû comprendre ce que les “Ithaques” signifient.
Ce n’est pas la destination qui compte, mais le voyage
Parmi les nombreux mythes littéraires, celui d’Ulysse est peut-être l’un des plus répandus. À toutes les époques l’aventure de l’ingénieux roi d’Ithaque a fourni de précieuses occasions pour réfléchir sur le savoir, sur l’exploration de l’inconnu, sur la capacité de défier les limites, sur la confrontation avec le divin, sur le hostos (le retour), sur la rencontre de l’ “autre”. Dans un magnifique poème de 1911, Cavafy se taille un espace bien à lui, en mettant en relief un aspect important de l’expérience humaine. Ce qui compte, ce n’est pas la destination (le retour dans l’île tant désirée), mais le voyage que nous devons effectuer pour y parvenir. Voilà pourquoi il ne faut pas être pressé :
Lorsque tu te mettras en route pour Ithaque,
souhaite que le chemin soit long,
plein d’aventures.
Il ne faut surtout pas craindre “les Lestrygons et les Cyclopes” :
les Lestrygons et les Cyclopes, […]
ne les crains pas ;
car de rencontres telles, tu n’en feras jamais sur ton chemin,
si ta pensée reste élevée, si un sentiment
rare anime ton esprit et ton corps.
Car les véritables monstres sont ceux que nous portons en nous-mêmes (“Les Lestrygons et les Cyclopes […] / […], tu ne les rencontreras pas / si tu ne les portes dans ton âme”). Ainsi devons-nous souhaiter que la route soit longue (“Souhaite que le chemin soit long / […] [de sorte que] tu entreras dans les ports que tu verras pour la première fois”). Chaque étape nous permettra alors de nous procurer des marchandises raffinées (“d’acquérir la bonne marchandise”) et d’embrasser d’ “antiques” savoirs (“rends-toi dans maintes villes égyptiennes, / apprends, apprends sans cesse auprès des sages”). Et c’est seulement arrivés à Ithaque que nous comprendrons à quel point nous sommes plus riches lorsque nous y retournons (“riche de ce que tu auras gagné sur ton chemin”). Peu importe qu’en elle-même Ithaque soit “pauvre” et ne nous offre rien (“sans espérer qu’Ithaque t’offre des richesses”) : Ithaque nous a “donné le beau voyage”. Et c’est en voyageant que nous nous sommes enrichis (et qu’on est “devenu sage, riche de tant d’expérience”). Ainsi, pour “comprendre ce que les ‘Ithaques’ signifient”, il ne faut pas penser à la destination, mais aux expériences qu’on a vécues pour l’atteindre.
3 juillet 2015
Extrait des pages 167 à 169.
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Connaissez-vous Constantin Cavafy ?
Il était Grec mais vivait en Égypte, et c’est pourquoi ces deux pays se sont récemment unis pour organiser un colloque sur son œuvre, qui a eu lieu du 15 au 17 octobre 2017 au Caire et à Alexandrie. Si je vous en parle, c’est d’abord pour vous présenter Constantin Cavafy, et c’est ensuite pour signaler l’existence de ce colloque qui a réuni les deux rives de la Méditerranée pour lui rendre hommage.
Qui était Cavafy ?
Né et mort à Alexandrie, Constantin Cavafy (1863-1933) fut l’un des plus grands poètes grecs du XXe siècle. Selon Wikipédia, après une enfance passée en partie à Liverpool, en Angleterre, Constantin Cavafy a passé la majeure partie de sa vie en Égypte. Il n’a publié aucun recueil de son vivant, ses poèmes étant soit parus dans des revues, soient imprimés par l’auteur lui-même et circulaient entre ses amis. Ce n’est qu’après sa mort que son œuvre a été reconnue, notamment par Marguerite Yourcenar qui a traduit ses poèmes.
Wikipédia précise également que l’originalité de sa poésie tient en partie à la langue même de Cavafy, qui de par son appartenance à la diaspora grecque, usait d’une langue plus archaïque et musicale que le grec moderne standard.
Un poème de Cavafy
Je remercie le professeur Patrick Quillier, qui enseigne actuellement l’œuvre de Cavafy à l’Université de Nice, de m’avoir transmis plusieurs poèmes que je puisse citer, dont plusieurs en langue grecque et un en langue française, intitulé « Dans l’escalier ». Le voici, dans la traduction de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris :
« Comme je descendais l’escalier mal famé
tu entrais par la porte et, pour une seconde,
j’ai vu ton visage inconnu et tu as vu le mien.
Là-dessus, je me suis caché, fuyant ton regard, et toi
tu es passé rapidement, en dissimulant ton visage,
puis tu t’es faufilé dans la maison mal famée
où tu n’as pas dû trouver plus de plaisir que moi-même.
Et pourtant l’amour que tu voulais, j’aurais pu te le donner ;
l’amour que je voulais
— tes yeux las qui savaient l’ont dit — tu aurais pu me le donner.
Nos corps se sont sentis, ils se cherchaient.
Notre sang et notre peau se sont compris.
Mais nous nous sommes cachés l’un de l’autre, troublés. »
Ce poème de treize vers — presque un sonnet… — fait immédiatement penser au fameux « Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais » de Baudelaire. Il s’agit, là aussi, d’une rencontre fulgurante, qui produit un effet tout aussi intense que bref, mais qui n’a de suites que dans l’imaginaire. On retrouve le même croisement des pronoms « je » et « tu », mais, contrairement au sonnet de Baudelaire, il y a ici un « nous » par lequel le poète donne de la réalité à cet accord mutuel qui s’est passé de mots. C’est en effet par le langage silencieux du « corps », du « sang » et de la « peau » que les deux êtres ont communiqué. On notera le nombre important de parallélismes qui soulignent la réciprocité des gestes et des attitudes tout au long du poème : « j’ai vu » / « tu as vu » ; « je me suis caché » / « tu es passé » ; « fuyant ton regard » / « en dissimulant ton visage », etc. C’est ainsi que l’ensemble du poème dit à la fois le caractère unique de la rencontre, et, simultanément, son échec.
Les accords au masculin montrent que ce poème était adressé à un homme. De fait, ce poème fait partie des « poèmes homosexuels de Cavafis », comme le précise Patrick Quillier, qui ajoute qu’une autre partie de ses poèmes est « marquée au sceau du genre de la petite épopée, ou épyllion ». Le trouble ressenti par les deux protagonistes correspond cependant à un immédiat « coup de foudre » dans lequel tout lecteur peut se reconnaître.
Un colloque en Égypte
La Grèce et l’Égypte se sont associées pour organiser ce colloque qui s’est tenu récemment à Alexandrie, loin des projecteurs médiatiques. Selon Patrick Quillier, « Cavafeia 2017 est une initiative gréco-égyptienne qui vise à mettre en évidence l’actualité et la dimension œcuménique de la poésie du grand poète de la diaspora grecque. » Cet événement a été organisé par « la Bibliothèque d’Alexandrie, les Ministères de la Culture de Grèce et d’Égypte, l’Opéra du Caire et le Centre culturel grec du Caire« . On peut saluer cette belle initiative qui a réuni les deux rives de la Méditerranée dans une même passion pour le savoir, la culture, la littérature et la poésie.
Constantin Cavafy ou Cavafis, connu aussi comme Konstantinos Petrou Kavafis, ou Kavaphes (en grec Κωνσταντίνος Πέτρου Καβάφης), est un poète grec né à Alexandrie en Égypte le 29 avril 1863. Il est mort dans la même ville, en 1933, le jour même de son 70e anniversaire.
Très peu connu de son vivant, il est désormais considéré comme une des figures les plus importantes de la littérature du XXe siècle. Il fut fonctionnaire au ministère des travaux publics d'Alexandrie, journaliste, et courtier à la Bourse d'Alexandrie.
Constantin Cavafy est le septième des neuf enfants de Petros Kavafis, négociant en import-export de textiles et coton, et de Hariklia Photiadis, fille de diamantaire, tout deux originaires de Constantinople et installés à Alexandrie. Son père décède en 1870 et la famille s'installe alors en Grande-Bretagne, à Liverpool. Ces années passées en Grande-Bretagne le marquent profondément et ses écrits dénotent une grande familiarité avec la tradition poétique anglaise, particulièrement Shakespeare, Browning et Wilde. Sa langue maternelle reste teintée d'une pointe d'accent anglais jusqu'à la fin de ses jours.
À la suite de spéculations hasardeuses, la famille se retrouve ruinée et retourne vers 1879 à Alexandrie, puis, anticipant les émeutes de 1882 qui allaient précipiter la guerre Anglo-Égyptienne, les Cavafy quittent à nouveau cette ville pour Constantinople. Constantin Cavafy y vit trois ans, dans une certaine précarité ; c'est durant cette période que vraisemblablement il a ses premières relations homosexuelles et qu'il rédige ses premiers vers, en anglais, en français et en grec. Il envisage un temps d'embrasser une carrière politique puis, de retour à Alexandrie en 1885, travaille pour le journal Telegraphos et comme assistant d'un de ses frères à la Bourse d'Alexandrie. Durant cette période, son ambition demeure cependant l'écriture et il poursuit la rédaction de poèmes et d'essais.
En 1892, à 29 ans, il entre au Service de l'Irrigation du ministère des Travaux publics, administration dans laquelle il accomplit toute sa carrière, finissant directeur-adjoint. Également courtier à la Bourse d'Alexandrie à partir de 1894, il mène par la suite une existence confortable en compagnie de sa mère jusqu'au décès de celle-ci, en 1899. Il passe le reste de sa vie à Alexandrie, se rendant régulièrement en Grèce, et y meurt d'un cancer du larynx en 1933.
Cavafy a beaucoup voyagé en Angleterre, en France (où il a résidé) et en Grèce. S'il eut une petite notoriété au sein de la communauté grecque d'Alexandrie et quelques amitiés dans les cercles littéraires (il fut en relation pendant plus de vingt ans avec Edward Morgan Forster), pendant longtemps son œuvre resta inconnue au grand public. Quoiqu'il ait rencontré de nombreux hommes de lettres grecs lors de ses nombreux déplacements à Athènes, il n'eut pas de réelle reconnaissance de ses pairs, probablement à cause d'un abord déroutant de la poésie pour l'époque. Un peu de lumière est portée sur son œuvre par la publication, le 30 novembre 1903, dans la revue Panathinaia, de l’article historique de Xenopoulos sur Cavafy, intitulé « Un poète ». Ce n'est que près de vingt ans plus tard, au lendemain de la défaite grecque à l'issue de la guerre gréco-turque, qu'une nouvelle génération de poètes grecs de tendance nihiliste, tels Kostas Karyotakis, puisent leur inspiration dans son œuvre.
Il n'a publié aucun recueil de son vivant, donnant des poèmes à des revues littéraires ou les faisant circuler auprès de quelques amis sous forme de feuillets et de brochures auto-édités. En outre il remaniait sans cesse ses textes, et en détruisait beaucoup, en particulier pour ses œuvres de jeunesse. Ainsi, l'essentiel de son œuvre a été composé après son quarantième anniversaire. Cavafy a publié 154 poèmes, auxquels on peut en ajouter 75 restés inédits jusqu’en 1968, et 27 autres qu’il avait publiés entre 1886 et 1898 mais reniés par la suite.
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Constantin Cavafy
Κωνσταντίνος Καβάφης
Nom de naissance | Konstantinos Petrou Kavafis |
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Naissance | Alexandrie, ![]() |
Décès | Alexandrie, ![]() |
Activité principale | Poète |
Langue d’écriture | grec moderne |
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Constantin Cavafy ou Cavafis, connu aussi comme Konstantinos Petrou Kavafis, ou Kavaphes (en grec Κωνσταντίνος Πέτρου Καβάφης), est un poète grec né le à Alexandrie en Égypte et mort le dans la même ville.
Très peu connu de son vivant, il est désormais considéré comme une des figures les plus importantes de la littérature grecque du xxe siècle. Il fut fonctionnaire au ministère des travaux publics d'Alexandrie, journaliste et courtier à la bourse d'Alexandrie.
Biographie[modifier | modifier le code]
Constantin Cavafy est le dernier des neuf enfants de Petros Kavafis, négociant en import-export de textiles et coton, et de Hariklia Photiadis, fille de diamantaire, tous deux originaires de Constantinople et installés à Alexandrie. Son père décède en 1870 et la famille s'installe alors en Grande-Bretagne, à Liverpool. Ces années passées en Grande-Bretagne le marquent profondément et ses écrits dénotent une grande familiarité avec la tradition poétique anglaise, particulièrement Shakespeare, Browning et Wilde. Sa langue maternelle reste teintée d'une pointe d'accent anglais jusqu'à la fin de ses jours.
À la suite de spéculations hasardeuses, la famille se retrouve ruinée et retourne vers 1879 à Alexandrie, puis, anticipant les émeutes de 1882 qui allaient précipiter la guerre anglo-égyptienne, les Cavafy quittent à nouveau cette ville pour Constantinople. Constantin Cavafy y vit trois ans, dans une certaine précarité ; c'est durant cette période que vraisemblablement il a ses premières relations homosexuelles et qu'il rédige ses premiers vers, en anglais, en français et en grec. Il envisage un temps d'embrasser une carrière politique puis, de retour à Alexandrie en 1885, travaille pour le journal Telegraphos et comme assistant d'un de ses frères à la Bourse d'Alexandrie. Durant cette période, son ambition demeure cependant l'écriture et il poursuit la rédaction de poèmes et d'essais.
En 1892, à 29 ans, il entre au Service de l'Irrigation du ministère des Travaux publics, administration dans laquelle il accomplit toute sa carrière, finissant directeur-adjoint. Également courtier à la Bourse d'Alexandrie à partir de 1894, il mène par la suite une existence confortable en compagnie de sa mère jusqu'au décès de celle-ci, en 1899. En 1922 il se retire et passe le reste de sa vie à Alexandrie, se consacrant exclusivement à son œuvre et se rendant régulièrement en Grèce ; vers 1930, déjà célèbre mais malade, il habite un médiocre hôtel d'Athènes, place Omónia, où il reçoit de jeunes admirateurs ; c'est à Alexandrie qu'il meurt d'un cancer du larynx en 19331, le jour même de son 70e anniversaire.
Cavafy a beaucoup voyagé en Angleterre, en France (où il a résidé) et en Grèce. S'il eut une petite notoriété au sein de la communauté grecque d'Alexandrie et quelques amitiés dans les cercles littéraires (il fut en relation pendant plus de vingt ans avec Edward Morgan Forster), pendant longtemps son œuvre resta inconnue du grand public. Quoiqu'il ait rencontré de nombreux hommes de lettres grecs lors de ses nombreux déplacements à Athènes, il n'eut pas de réelle reconnaissance de ses pairs, probablement à cause d'un abord déroutant de sa poésie pour l'époque. Un peu de lumière est portée sur son œuvre par la publication, le , dans la revue Panathinaia (el), de l’article historique de Grigórios Xenópoulos sur Cavafy, intitulé « Un poète ». Ce n'est que près de vingt ans plus tard, au lendemain de la défaite grecque à l'issue de la guerre gréco-turque, qu'une nouvelle génération de poètes grecs de tendance nihiliste, tels Kóstas Karyotákis, puisent leur inspiration dans son œuvre.
Il n'a publié aucun recueil de son vivant, donnant des poèmes à des revues littéraires ou les faisant circuler auprès de quelques amis sous forme de feuillets et de brochures auto-édités. En outre il remaniait sans cesse ses textes, et en détruisait beaucoup, en particulier pour ses œuvres de jeunesse. Ainsi, l'essentiel de son œuvre a été composé après son quarantième anniversaire. Cavafy a publié 154 poèmes, auxquels on peut en ajouter 75 restés inédits jusqu’en 1968, et 27 autres qu’il avait publiés entre 1886 et 1898 mais reniés par la suite.
Il est un des poètes les plus célèbres de la Grèce moderne. Et comme Marguerite Yourcenar note dans la préface de sa traduction des poèmes de Cavafy, « c'est aussi l'un des plus grands, le plus subtil en tout cas, le plus neuf peut-être, le plus nourri pourtant de l'inépuisable substance du passé2. »
Selon Marguerite Yourcenar, « il s'était reconnu de bonne heure une vocation de poète, mais ne garda de sa production d'avant la cinquantième année qu'un petit nombre de poèmes, dont quelques-uns seulement comptent parmi ses chefs-d'œuvre [...]. Cavafy n'a guère laissé circuler de son vivant que quelques rares poèmes insérés çà et là dans des revues ; sa gloire, venue peu à peu, s'alimenta de feuilles volantes distribuées chichement à des amis ou à des disciples ; cette poésie qui étonne à première vue par son détachement, son impersonnalité presque, demeura donc en quelque sorte secrète jusqu'au bout, susceptible dans toutes ses parties d'enrichissements et de retouches, bénéficiaire de l'expérience du poète jusqu'à sa mort. Et c'est seulement vers la fin qu'il a exprimé à peu près ouvertement ses hantises les plus personnelles, les émotions et les souvenirs qui de tout temps, mais de façon plus vague et plus voilée, avaient inspiré et sustenté son œuvre 3. »
L'originalité de ce poète réside dans le fait qu'il sut de manière incomparable dépasser la manière du Parnasse et tracer en premier la voie de la modernité en Grèce, malgré la critique et même la polémique de ses contemporains. De prime abord sa poésie frappe par la musicalité de sa langue, qui est celle des anciennes colonies grecques, mêlée à des éléments linguistiques archaïques remontant même jusqu'à Homère. Or son apport créateur repose d'abord sur l'utilisation d'une langue singulière, mais qui garde la fraîcheur de son passé, déridée et resplendissante. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le poète sut redonner vie à des mots à jamais péris, mais qui, semble-t-il, avaient toujours droit de cité à la périphérie coloniale grecque et dans la diaspora.
Le recours à la mémoire est en second lieu l'aspect reconnaissable de la poésie de Cavafy. Il puise dans le passé ses thèmes choisis selon une technique jusqu'alors inconnue, en évacuant les contenus des mythes, pour ne garder que les noms. Il restructure ensuite ses propres mythes, en simulant une plongée dans l'histoire de la Grèce. Cette technique place la fiction du poète dans le voisinage des mythes que la tragédie ancienne put forger, éloignée du vécu historique. Les thèmes les plus marginaux, les détails que l'histoire laisse de côté, l'insoupçonnable impression d'une rencontre, l'intimité d'une pensée furtive et les regards, attendris et émus sur le corps humain, tel est son matériel de prédilection. Loin du sentimentalisme, il érige un univers dans lequel l'homme éprouve sa « corporéité » à l'échelle de l'éternité. C'est encore Yourcenar qui conclut : « La réminiscence charnelle a fait de l'artiste le maître du temps ; sa fidélité à l'expérience sensuelle aboutit à une théorie de l'immortalité 4. »
Selon Michel Volkovitch : « Cavàfis est l'anti-Rimbaud : son développement fut progressif et lent. Ses premiers poèmes sont écrits à l'ombre des Parnassiens, de Baudelaire, des Symbolistes, de Browning ; il ne devient pleinement lui-même qu'aux abords de la quarantaine — un peu comme Proust, son contemporain. Il publie peu et comme à regret, retravaillant certains poèmes inlassablement pendant des années. Il ne verra pas la première édition d'ensemble de son œuvre, parue peu après sa mort 5. »
Œuvres[modifier | modifier le code]
- Poèmes, traduction de Théodore Grivas, Lausanne, Abbaye du Livre, 1947 ; Athènes, Icaros, 1973
- Poèmes, traduction de Georges Papoutsakis, Paris, Les Belles Lettres, 1958
- Poèmes avec une présentation critique de Constantin Cavafy, suivie d'une traduction des Poèmes par Marguerite Yourcenar et Constantin Dimaras, Paris, Gallimard, 1958 (réédition dans la collection poésie/Gallimard en 1978 et 1994), (ISBN 2070321754)
- Poèmes anciens ou retrouvés, traduction par Gilles Ortlieb et Pierre Leyris, Paris, Seghers, 1978, (ISBN 2232111075)
- Jours anciens, traduction par Bruno Roy, Montpellier, coll. Dioscures, Fata Morgana, 1978, (ISBN 2-85194-163-1)
- À la lumière du jour, traduction par Bruno Roy, Montpellier, Fata Morgana, 1989
- L'art ne ment-il pas toujours ?, traduction par Bruno Roy, Montpellier, Fata Mogana, 1991, nouv. éd. 2011
- Œuvres poétiques, traduction par Socrate C. Zervos et Patricia Portier, Paris, Imprimerie nationale, 1992, (ISBN 2-11-081127-7)
- Poèmes, présentation et texte français par Henri Deluy, Fourbis, 1995, (ISBN 2-907374-71-0)
- Poèmes, préface, traduction et notes de Dominique Grandmont, Paris, Gallimard, coll. Du Monde Entier, 1999, (ISBN 2-07-074309-8)
- (el) Κ. Π. Καβάφης [« C. P. Cavafy »], Απαντα Ποιήματα εν Όλω [« Œuvres complètes »], éd. Modern Times, collection Λογοτεχνική λέσχη, 2002, (ISBN 960-397-372-6).
- En attendant les barbares et autres poèmes, préface, traduction et notes de Dominique Grandmont, Paris, Gallimard, 2003, (ISBN 2-07-030305-5)
- (el) Κ. Π. Καβάφης [« C. P. Cavafy »], Ποιήματα, [« Poèmes »], éd. Estia, 2004, (ISBN 960-05-1164-0)
- Poèmes, traduits du grec par Ange S. Vlachos, Genève, Éditions Héros-Limite, 2010 (ISBN 978-2-940358-56-4)
- Choix de poèmes, traduit par Michel Volkovitch, Aiora Press, Athènes, 2015
- Notes de poétique et de morale, traduit par Samuel Baud-Bovy et Bertrand Bouvier (édition bilingue), Aiora Press, Athènes, 2016 (ISBN 978-618-5048-62-4)
- Tous les poèmes, traduit par Michel Volkovitch (éditions le Miel des anges [archive]), Paris 2017. (ISBN 979-10-93103-16-7)
Autour de Cavafy[modifier | modifier le code]
- Cavafy, film biographique de Yánnis Smaragdís, Grèce, 1996, Accattone distribution, Visa : 94406
- La chanson Alexandra Leaving de Leonard Cohen est inspirée du poème Le dieu a abandonné Antoine.
- La longue chanson en catalan Viatge a Itaca (Voyage à Ithaque) de Lluís Llach est adaptée de Cavafy.
- Ce qui reste de la nuit, roman d'Ersi Sotiropoulos (Stock, 2016), raconte trois jours que Cavafy a passés à Paris en 1897.
Notes et références[modifier | modifier le code]
- Yourcenar 1958, p. 11-13.
- Yourcenar 1958, p. 7.
- Yourcenar 1958, p. 7 et 8.
- Yourcenar 1958, p. 45.
- Constantin Cavàfis, Tous les poèmes, Paris, Le miel des anges, , 360 p. (979-10-93103-16-7), Postface
Voir aussi[modifier | modifier le code]
Bibliographie[modifier | modifier le code]
Études sur Cavafy[modifier | modifier le code]
- Marguerite Yourcenar, Présentation critique de Constantin Cavafy, 1863-1933 : suivie d'une traduction intégrale de ses poèmes, par Marguerite Yourcenar et Constantin Dimaras, Paris, Gallimard, (réimpr. 1978 et 1994), 294 p.
- Georges Papadakis, Destin et anamnèse, essai de lecture de la poésie de C. Cavafy, Thèse de Doctorat, Strasbourg, 1987
- Edmund Keeley and Philip Sherrard, C.P. Cavafy Collected Poems, Chatto & Windus Ltd., London 1998
- Halbo Kool (nl), Constantin Cavafy, la rue Chérif Pacha est ma nièce, éditions Marguerite Waknine, Angoulême 2013, (ISBN 978-2-916694-60-3)
- Pierre Jacquemin, Constantin P. Cavafy, De l'Obscurité à la Lumière ou l'Art de l’Évocation, Riveneuve éditions, Paris, 2009, 318 pages, (ISBN 978-2-914214-93-3)
- Pierre Jacquemin, Constantin Cavafy, Eros, Thanatos, Hypnos, Poèmes érotiques, Riveneuve éditions, Paris, 2011, 208 pages, (ISBN 978-2-36013-037-5)
- Edward Morgan Forster, Pharos et Pharillon : une évocation d’Alexandrie, trad. de l’anglais par Claude Blanc, Paris, Quai Voltaire, 1991, (ISBN 2-87653-100-3)
- Lawrence Durrell, Le Quatuor d'Alexandrie.
- (el) Ο επικούρειος ποιητής Κ. Π. Καβάφης ["Le poète épicurien C. P. Cavafis"], Aspasia Papadoperaki (el), Éditions Sima, Athènes, , 96 pages, (ISBN 978-960-89506-9-6)
- (el) Η μορφή του Κ.Π. Καβάφη, introduction Georges Ioannou (el), Aspasia Papadoperaki, Éditions Makedos, 1987, 130 pages ; 2e édition Athènes 2003, Éditions Papasotiriou.
- Yves Leclair, Sur le billet retour à Ithaque de Cavafy, in La Nouvelle Revue Française, no 570, éditions Gallimard, Paris,
Articles connexes[modifier | modifier le code]
- Constantin Dimaras
- Marguerite Yourcenar
- ==========
- Spre Ithaca
- poezie [ ]
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- de Konstantinos Kavafis [Konstantinos_Kavafis ]
- 2008-12-28 | | Înscris în bibliotecă de Darie Ducan
- Cand vei pleca înspre Itaca
- fie-ți lunga călătorie
- plină de aventuri , plină de învățaminte
- Nu te teme de Lestrigoni si de Ciclopi, nici de furiosul Poseidon;
- Nu-i vei întâlni în drumul tău dacă
- te vei înălța cu gândul, dacă simțirea-ți
- nicicând nu îți va părăsi trupul ți sufletul.
- Lestrigoni si Ciclopi, nici furiosul Poseidon
- nu îti vor ieși în cale
- dacă tu însuți nu-i vei purta cu tine-n suflet,
- dacă nu-ți vei așeza sufletul înaintea pașilor lor.
- Sper ca drumul sa-ți fie lung,
- fie-ți multe diminețile de vară,
- Iar plăcerea de a zări primele porturi
- să-ți aducă o bucurie de nespus.
- Încearcă să vizitezi emporiul Feniciei
- culege tot ce e mai bun.
- Du-te în orașele Egiptului
- învață cu un popor ce are atâtea să te-nvețe.
- Nu pierde Itaca din vedere,
- căci ținta ta e să ajungi acolo.
- Dar nu-ți grăbi pasii;
- e mai bine calatoria-ți să dureze ani,
- iar corabia-ți să ancoreze pe insulă
- cand te vei fi-mbogațit deja
- cu tot ce ai cunoscut pe drum.
- Nu aștepta ca Itaca să-ți dea alte bogatii.
- Itaca ți-a dăruit deja o călătorie minunată;
- fără Itaca , niciodată nu ai fi plecat.
- Þi-a dăruit deja totul și nimic nu mai are de dat.
- Și dacă la sfârșit vei crede că Itaca e săracă,
- să nu gândești că te-a înșelat
- pentru ca vei fi devenit un înțelept, vei fi trăit o viață plină,
- și acesta este înțelesul Itacăi.